un peu d'histoire

Cabaret Tam Tam

Les grandes heures des cabarets orientaux © Hocine

Le jeune algérien Mohamed Ftouki découvre Paris en 1936, alors qu’il vient d’être démobilisé par l’armée en France. Il se retrouve comme plusieurs dizaine de milliers de maghrébins de l’entre-deux-guerres, confronté à la vie de l’immigration prolétarisée mais qui jouit néanmoins des premiers lieux de divertissement à destination de la diaspora. En effet, les cafés algériens nombreux dans la capitale mais aussi en province, constituent tout à la fois un lieu d’échange et de rencontre pour les exilés comme un lieu de spectacle et de divertissement.
Dès les années 40, les caf’conc’ organisés dans les salles parisiennes ou les bars immigrés rencontrent l’engouement des Maghrébins. Les figures musicales de l’époque sont entre autres le Jazzman algérien Mohamed el Kamel et le crooner judéo algérien Salim Halali, à la voix flamboyante, qui interprète des sevillanas en arabe et enregistre ses premiers disques 78 T.
Dans ce contexte, c’est en 1949 que Mohamed Ftouki ouvre son restaurant qui deviendra le grand Cabaret TAM TAM, rue Saint Séverin à Paris, en plein Quartier Latin, acronyme pour Tunisie, Algérie, Maroc. Cabaret Tam Tam car l’appellation "Le Grand Maghreb" lui a été refusée par la Préfecture de police de Paris, dans le contexte colonial qui naturellement s’opposait à cette notion de grand Maghreb.
Il rencontre, à l’instar des cabarets pionniers comme le fameux « El Dazaïr » du grand compositeur Mohamed Iguerbouchen ou La Casbah qui ouvre sa scène au maître Soaud l’Oranais et à la voix tunisienne du Hawzi Louisa Tounsia, le succès et l’engouement du grand public, pour faire la renommée des nuits parisiennes.
Les planches du Tam Tam accueilleront les grands artistes maghrébins comme le tunisien Mohamed el Jamoussi et permettra à de jeunes artistes de se faire repérer par les maisons de disques françaises toutes dotées de riches catalogues de musique arabe et maghrébine en particulier. Mohamed Ftouki a deux enfants : Messaoud d’une part, qui devient un grand instrumentiste et accompagnera plusieurs générations d’artistes prestigieux, et d’autre part, la jeune Ouarda, plus connue sous le nom de Warda El Djazaïria (1939-2012), l’une des plus grandes voix du monde arabe, enfant des rues de Paris.
Si les soirées du Tam tam ne désemplissent pas durant toutes les années 40 et 50, accueillant numéros de danses orientales ou chanteurs et artistes arabo-berbères, pris dans le tourbillon de la décolonisation, Mohamed Ftouki doit quitter la France avec sa famille en 1958, accusé de cacher des armes pour le compte du Front de Libération National (FLN) alors en pleine lutte armée pour l’indépendance de l’Algérie. Il choisira le Liban comme nouvel exil, pays de son épouse, lui qui est interdit de séjour en Algérie. La voix prodigieuse de sa fille Ouarda, formée par ses années cabaret au répertoire maghrébin et au répertoire oriental par l’éducation musicale reçue par sa mère libanaise, ne tarde pas à conquérir le monde arabe, ce qui lui vaudra d’être surnommée par le Général Egyptien Nasser, « Warda l’algérienne» (el djazaïria), chanteuse de la révolution au grand festival musical panarabe de 1961.