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se rafraichir à la rivière
Il est question de chasse, plus exactement d'une flèche qui atteint une cible.
Adonis désire chasser le sanglier, « il aime la chasse et se rit avec mépris de l'amour». La chasse, comme rite de passage à l'âge adulte, va lui coûter la vie ; le destin tragique d'Adonis est écrit ainsi : Adonis deviendra la « cible » des défenses du sanglier.
Vénus fait d'Adonis sa cible amoureuse durant tout le poème qui débute à l'aube (rencontre d'Adonis) et s'achève à l'aube du lendemain (mort d'Adonis).
En cela le poème est rythmé par toutes les tentatives que Vénus met en place pour retenir Adonis.
Elle-même est la cible « sans le savoir » du désir, blessée par une flèche de Cupidon «car, en donnant un baiser à Vénus, le petit dieu armé du carquois a effleuré, sans le savoir, avec le roseau d'une flèche qui dépassait le bord, la poitrine maternelle. »


(Les Métamorphoses d'Ovide - livre X) (1 et 2 : Vénus, Adonis y Cupido par A. Carracci / 3 : Vénus et Adonis par Le Titien)

Shakespeare aurait probablement été inspiré par Ovide et par le peintre le Titien (tableau 3) qui a représenté Vénus et Adonis (sujet d'un nombre infini de peintures) d'une manière singulière : Adonis se dérobe aux bras de Vénus pour aller chasser, abandonne la déesse. Bien que le mythe ne raconte pas un refus d'Adonis aux étreintes de Vénus, Shakespeare base tout son poème là-dessus.
Les cibles de nos deux figures étant différentes (l'un le sanglier et l'autre Adonis), ils n'arrivent pas à se « rencontrer ».
De là nait la tragédie, annoncée dès la première strophe, puisque le poème ne peut se solder que par la mort (propre et figurée) à l'issu des deux affrontements : la mort soit du sanglier, soit d'Adonis et la mort soit de Vénus (blessée, qui se meurt d'amour), soit d'Adonis (réduit à rien par le désir de possession vorace de Vénus). « Le soleil au visage pourpre vient de se séparer de l'aube en pleurs, et Adonis aux joues de roses se hâte d'aller chasser. Il aime la chasse mais il se rit avec mépris de l'amour. Vénus, dont il obsède la pensée, se jette au-devant de lui et, en hardie amoureuse, elle se met à le courtiser. »
 traduction d’Yves Bonnefoy