notes de mise en scène

L'augmentation

il faut soigner le malade. Masque à gaz et vaporisateur sont de sortie.
Apocalypse

"Le travail est une perversion de l'activité civilisatrice".

C’est de cette définition d’Albert Jacquard que nous nous inspirerons. Partant de l’étymologie du mot, travail vient du latin tripalium, qui renvoie à l’instrument de torture, A.Jacquard s’efforce de penser le travail comme une soumission et une souffrance : moins on a de travail, mieux on se porte. Pour lui, les vrais biens à échanger sont les idées. L’échange des biens matériels est un échange qui ne produit pas, l’échange des idées est un échange qui produit. On ne peut selon lui devenir une personne que par l’échange. Chez Perec, il n’y en a pas l’ombre.
A travers L’ Augmentation, Perec nous parle du monde du travail, celui de l’entreprise et de ses méandres, des hiérarchies, des divisions en service (le service renvoie lui-même à la servitude), et donc de la solitude de l’employé, de la liquidation des rapports humains, de l’absence d’échange. On a longtemps considéré ce texte comme visionnaire, puisqu’il l’écrit en 1967 en période de plein emploi, avant même le premier choc pétrolier.
Au fond se pose la question toute simple :
  • travailler pour quoi ?
  • Pour qui ?
  • Pour produire ?
  • Pour soi-même ?
Le monde de l’entreprise n’est-il pas responsable, de par son organisation, de l’aliénation des individus ? Plus l’entreprise est florissante, plus l’employé se ratatine : on lui demande toujours plus d’efforts, on le culpabilise à la moindre demande, on lui exige d’être solidaire envers le patronat, sans jamais rien donner en retour. Ne sont-ce pas là les dangers, subis aujourd’hui comme il y a 50 ans, d’un capitalisme toujours plus triomphant ?

L’ esthétique du jeu.


Celui à qui Perec s’adresse passe toute sa carrière (sa vie?) à essayer d’obtenir une augmentation. Quand, en ce cas, prend-il le temps de vivre ? Sait-il même le faire ? Et qu’est-ce, d’ailleurs, que vivre ? Nous chercherons à dessiner le parcours d’un homme qui, en courant après une chimère (chercher à tout prix à vivre mieux) en oublie de vivre tout court, de vivre en soi.
Et comme la partition que nous livre Perec est des plus ludiques dans sa composition, nous en ferons un jeu. En effet le texte avance comme un jeu de l’oie, un monopoly, ou encore parfois un jeu télévisé : il y a toujours des propositions binaires, des questions, des retours à la case départ, etc.
Nous mettrons donc en place un espace ludique, dans un dispositif sonore et vidéo très rythmé, coloré, vivant, jusqu’à transformer ce jeu bon enfant en jeu de massacre. Là aussi, on en revient à la définition première du mot “travail” : toutes ces tentatives d’obtenir une augmentation sont autant de séances de torture, on espère toujours avoir le gros lot et on finit irrémédiablement par mordre la poussière.