Angelina Herrero

Tartuffe (2012)

Angelina dans son atelier
Angelina Herrero

Angelina Herrero

Du 18 au 27 janvier, Tartuffe sera créé au centre Charlie-Chaplin. D’ici là, coups de projecteur sur différents acteurs et étapes de cette longue aventure. Premier rendez-vous de ce carnet de création avec la costumière, Angelina Herrero.

Quatre machines à coudre patientent sur un établi, des mannequins de couture testent une nouvelle robe grise, des cartons à chapeau s’empilent et un fer à repasser chauffe. Bienvenue dans l’atelier d’Angelina Herrero, costumière de la prochaine pièce de Laurent Vercelletto, en résidence à Vaulx avec sa compagnie le Lucathéâtre. “Pour ce Tartuffe, mon premier rendez-vous avec Laurent remonte à avril. Nous avons alors situé la pièce dans les années 50, en retenant des éléments de costumes modernes”, se souvient Angelina. Repartie avec son petit cahier de notes sous le bras, ne lui restait qu’à laisser son inspiration galoper. Tout en maintenant les rênes de la cohérence. “Mes costumes doivent être en adéquation avec la dramaturgie et se marier sans fausse note avec le décor”, confirme-t-elle. Après avoir pris les mesures des acteurs, la costumière a “gribouillé” quelques éléments et débusqué de superbes escarpins noirs qui devraient impeccablement soutenir la fameuse robe grise. Pour se mettre à la création concrète pour que les costumes soient prêts début janvier. Les premiers essayages étant envisagés pour le début des répétitions, le 21 novembre. Histoire de se ménager la possibilité de faire quelques retouches de dernière minute. “C’est aussi ce que j’aime chez Laurent, il n’hésite pas à modifier ses plans une fois confronté au plateau”.

Angela et les chiffons, ça remonte. “Je suis issue d’une famille humble et mes sœurs fabriquaient leurs propres robes. Cela m’émerveillait. Et j’ai très vite fait comme elles”. L’art rôdait implicitement dans la famille puisque ses grands parents étaient musiciens amateurs. D’ailleurs, dans l’atelier de leur petite fille, du côté de Charpennes, une cassette de Bach succède à une œuvre de Chopin. Un temps mordue d’archéologie, elle s’est tissé un amour des costumes et du théâtre. Rapidement attirée par l’ombre des coulisses, elle intègre l’Institut national supérieur du théâtre et de la danse de Barcelone où habitent alors ses parents. Mais c’est surtout aux côtés de son “maître” Fabian Puigserver qu’elle va tout apprendre. Rentrée en France en 1988 pour la plus belle des raisons, elle s’est enfin lancée en se spécialisant dans les costumes de spectacles vivants. Au milieu de ses esquisses et chutes de tissus, Angela assure, nette : “l’inspiration ne vient pas de Dieu. C’est une question de culture et de travail. Je m’intéresse à la mode, à l’histoire et cours les brocantes et les expos”. Et d’ajouter, malicieuse et si lucide : “les années 80 ont fait beaucoup de mal”... A l’inverse, elle se fait sérieuse, émue, empreinte de respect quand elle évoque “tout ce qui est fait main, où l’on ressent et voit le soin, la minutie amoureuse dans ces petits points, dans ces finitions”. Elle nous prend alors la main, délicieusement lovés dans l’étole de l’imaginaire, et nous ramène au début du siècle “dans un atelier éclairé d’une faible bougie, admirant une couturière penchée sur son ouvrage”... Les costumes d’Angela racontent des histoires, des vies. “Cela me plait d’observer les gens, d’imaginer, et de créer un personnage avec ses vêtements. Et l’ambiance d’un théâtre, c’est magique”. Entière, elle n’accepterait pas de collaborer avec un metteur en scène avec qui le courant ne passe pas. Laurent Vercelletto ? “Nous sommes de la même famille, celle qui fabrique du théâtre”. Celui avec qui la créatrice n’avait pas travaillé depuis longtemps a beaucoup de chance, et réciproquement, donc...

Stéphane Legras