Un monde sans valeur...

Un monde meilleur ?

des personnages sans gravité
deux personnages de la pièce

La mort du prophète

.Il m’apparaît primordiale, pour la cohésion de l’ensemble du spectacle de traiter la figure du prophète sous l’angle du poète, de l’artiste garde-fou. Il est une fragile conscience, héritière des horreurs du passé. Quand il arrive, il descendd’une échelle, donc du ciel ou d’une montagne. Pour moi il incarne l’apaisement et le calme en contraste du brouhaha
perpétuel que font les hommes du monde. Comme un grain de sable qui vient faire dérailler une machine le prophète devient dérangeant. Il est l’autre celui qu’on ne connaît pas et qu’on ne veut pas connaître. Un des ouvriers le rouent de coup, l’assomme, puis l’emmure dans une coulée de béton. Avec sa mort disparaît alors cette lueur fragile qui pourrait dessiner une vie plus fraternelle, un temps plus romantique et des aspirations plus idéalistes que celles orchestrées par la loidu profit. Ainsi le cadavre du prophète, trouvera une résonance sourde et persistante dans le second texte.
Si le prophète représentait le fragile espoir d’apporter « un monde meilleur » le fait que le second spectacle se construise sur son cadavre donne l’idée que notre époque se construit sur la mort de l’art et des aspirations humanistes. Quand il disparaît son vague souvenir peut s’incarner en la figure de la journaliste dans la deuxième pièce. En effet ce
personnage n’arrive pas à s’épanouir dans ce monde-là. C’est une sorte d’artiste ratée des temps moderne, rétrécie par les contradictions et contraintes de son métier. Le rapport à l’élévation et au temps du silence est anéanti, et remplacé par un rapport horizontal au monde, noyés d’informations et de vitesse : « Notre époque voit de nombreux changements structurels : l’individualisme prend le pas sur la notion de collectivisme, les micro-récits (l’anecdotique, le fait divers, le retour
du « je ») sur les grands récits ; la durée se rétracte, le zapping devient une fièvre ; les fêtes, même celle de l’art, remplacentles manifestations politiques. » Philippe Roux.
De l’accélération du temps et de l’information, de la difficulté de faire coïncider être et avoir. 
Dans la deuxième partie le cube servira aussi d’espace de projection. La réalité deviendra alors plus impalpable plus complexe et poreuse par la présence d’images vidéo. La comédienne qui incarnerait la journaliste aurait toujours à la main sa caméra comme un journal intime. Au lieu d’écrire ce qui lui arrive elle se filmerait lors de ses soliloques. Les images seraient projetées en direct comme une volonté dérisoire et désespérée de laisser une trace. Nous nous servirons aussi del’objet caméra comme d’une arme…
Il sera central, pas un accessoire anecdotique mais l’oeil par lequel tout fait sens et
non-sens. Il incarnera l’enferment de l’homme actuel dans le monde de l’instantané. Nous verrons comment les images ne sont jamais neutres et influent sur la manipulation des idées et des opinions. Les petites gens qui tentent de s’en sortir sont leurrés par des représentations mensongères de bien-être, de richesse et de plénitude véhiculé par la pub comme c’est le cas pour Paulya, la jeune prostituée. Nous tenterons de faire surgir la thématique centrale de la pièce, à savoir : comment la révolution informationnelle et les nouvelles technologies ont complètement transformer otre rapport aux autres et à
nos ambitions.
En synchronisant nos opinions et nos émotions elles font tendre l’homme vers moins de réflexion. C’est une nouvelle forme de dictature et de nivellement par le bas qui produit une uniformisation des désirs dans l’avoir ou le paraître plutôt que dans l’être.
Ainsi le discours hygiéniste que fait le conseiller ministériel au début et le coup de théâtre télévisuel de la fin ne serve qu’à cacher la laideur du monde et nous enfermer dans plus de faux semblant et d’inculture.
L’idée que le mal du siècle naît du manque de conscience de l’homme moderne et de sa perte de rapport au réel Hannah Arendt l’avait très bien décrit dans son livre «Eishman à Jérusalem». Cette étude sur les ressort du mal tente de comprendre ce qui a rendus possibles les camps de concentrations. Elle perçoit, cet Eishman, haut fonctionnaire nazi qui s’occupait de l’évacuation des juifs et de la logistique de la solution finale, non pas comme un barbare sanguinaire maiscomme un fonctionnaire s’occupant de chiffre incapable de jugement morale ou de faire appel à sa conscience…
Le progrès des nouvelles technologies sans conscience ou éthique se retourne contre l’homme lui même au lieu d’être le lieu de sa liberté : il devient une forme vicieuse d’enfermement.
Finalement à partir du même décor et des mêmes acteurs en passant d’un théâtre burlesque à un théâtre documentaire, d’un lieu unique à un espace fragmenté, ces 2 pièces ne sont-elles pas les viatiques inespérés pour parler de notre époque en perte de valeurs ? Nous tenterons, à partir des costumes et de la direction d’acteur de poser un regard sensible sur l’Homme, cet être qui a perdu son humanisme et où relégué à la fonction de figurant du monde du travail dans la premièrepièce à pion sur l’échiquier européen dans la deuxième, il devient une figure sans gravité.
Avec le travail à la vidéo nous questionnerons la manipulation des images et la légitimité de leur objectivité.