Edward Perraud,Daniel Erdmann,Hasse Poulsen
das Kapital © Schoestring jazz
« Das Kapital est né en 2002 lors d´une session qu' Edward Perraud avait organisé dans sa cave. Ça a marché tout de suite. Nous nous sommes mis d'accord pour créer le meilleur trio jazz du siècle ! ». Dont acte. Presque dans la foulée, le trio produit deux premiers albums : Das Kapital & sons en 2005 et All gods have Children en 2006, puis crée deux spectacles associant cinéma et improvisation avec les cinéastes suisses Nicolas Humbert et Martin Otter : Wonderland en 2006 et Lenin on tour en 2008.
Le projet dédié au compositeur allemand Hanns Eisler donne matière à deux albums qui reçoivent un accueil enthousiaste des médias spécialisés: Ballads & Barricades en 2009 et Conflicts & Conclusions en 2011. Das Kapital devient incontournable sur les scènes du jazz Européennes, écumant les festivals tels que Tampere, Jazzhappening, Jazzfestival Saalfelden, Europa Jazz, Jazz sous les Pommiers, Deutsches Jazzfestival, faisant des tournées au Kasakhstan, dans les pays Baltiques,  en Bosnie, en Russie, en Allemagne, et en France, où le trio apparaît comme un des groupes des plus excitants du moment.
Car c'est bien d'un groupe qu'il s'agit, phénomène rare dans le champ du jazz, d'où surgit une inventivité musicale sans cesse renouvelée, et sur scène une dynamique et un enthousiasme propres à« emballer le public » (il l'est) sans que la cohérence de l'ensemble n'altère la fantaisie de chacun :
«Le travail dans Das Kapital est extrêmement collectif. Nous sommes trois leaders, chacun a trouvé son rôle, on parle beaucoup, on se respecte. On aime bien être ensemble. Évidemment il ne s’agit pas d’un bonheur mièvre. Nous avons de grandes discussions et nous nous enflammons tous assez facilement, mais ces bravades ne font pas mal. On essaie d´avancer en permanence.» De là une musique construite et vive, une matière sonore euphorisante enchâssée dans une rythmique des plus rigoureuses. Un assaut d'énergie dans la pure façon du rock, au service d'un répertoire qui s'attache à déjouer toutes les frontières des genres, alliant écriture et improvisation,  simplicité et virtuosité, populaire et expérimental, passion et réflexion. Sans barrière.

Une plateforme de multiples projets
Das Kapital revendique une « démarche globale » faite d'une curiosité sans borne, du désir d'inventer et de trouver dans et au delà de la musique toute forme d'expression nouvelle, d'étendre le domaine musical à tous les possibles de l'univers artistique. Projet immense, «politique et esthétique», selon leurs termes,  mais qu'ils abordent avec une simplicité désarmante : «Nous voulons être ouverts à toutes les rencontres, à toutes les expérimentations. Travailler avec des peintres, des sculpteurs, des ingénieurs aéronautiques. Tourner en milieu rural, faire des concerts dans des bâtiments industriels. Parler aux gens, leur donner place dans notre musique. Inventer et partager... Aller de l'avant.». Avis à la population (publics et programmateurs) et petit catalogue de propositions.



« Das Kapital : folie joyeuse et grave »
«Ça se joue dès les premières mesures. On sait alors. On sait que l’affaire va nous emmener loin. Ce trio est bâti pour un complot :  s’appeler « Das Kapital », il le fallait par ces temps de finance toxique, de camelote et de spectacle avarié. Sax ténor, guitare, batterie – un siècle à eux trois et plus qu’assez pour secouer le vieux monde. Daniel Erdmann, souffle de sirocco et vents de la Saxe (saxo de la Saxe, ah ah !), lui qui est né à la frontière des deux Allemagne. Il a ainsi eu vent de Karl le barbu kapital.
A l’autre bout de la scène,  Hasse Poulsen, maillot rouge, un autre grand gaillard, franco-danois, guitare acoustique passée au labo électrique. Entre-deux et aux fourneaux, caisse à outils de médecin légiste, allumé tel un Van Gogh dans ses crises, coloriste et jongleur, Keith Jarrett de la batterie – il joue parfois debout –, soit Edward Perraud, déjà bien connu de la police du jazz...

Tout ça pour planter le décor. Reste le son, inracontable comme la musique. On croise les fantômes d’Ayler et de Coltrane, et peut-être de Zappa, des audaces de Carla Bley,  des bribes d’Opéra de quat’  sous et aussi  quelques mesures de l’Internationale. Tout cela débauché en une folie joyeuse et grave, à coups de souffle et de battements – ça chauffe et ça pulse. Sans parler du plaisir des yeux, comme disent les marchands du souk, le plaisir de voir aussi le jazz dans ses ébats entre carpe et lapin, la gestuelle d’Edward Perraud, allumé de la cymbale qu’il envoie valser après rebond sur tom, et la ratrappe au vol, tandis que mugissent les claires et grosses caisses aux peaux triturées, que stridulent les rides et bols tibétains jouissant sous l’archet. C’est dire les sons et leur attirail par lesquels le trio s’envoie littéralement en l’air. Et nous avec.»
Gérard Ponthieu