Gregory Porter sourit tranquille plan americain  devant un mur ocre rouge
Gregory Porter © Vincent Soyez

Water, on aime passionnément

Les voies du jazz vocal, encombrées, le sont moins par les mâles que par leurs ravissantes con­­currentes. Souvenons-nous : indiscutable roi des crooners, Nat King Cole, noir au physique avantageux, atteignit à l'époque des publics mélangés par sa seule voix, à vrai dire sans égale. Gregory Porter aspire assurément à sa succession. La pochette de Water évite, par un photogénique contre-jour, de révéler s'il est noir ou blanc, beau ou pas. Son entourage a dû penser qu'il pourrait ainsi atteindre aujourd'hui l'équivalent de l'audience mixte de King Cole, celle que ses immédiats prédécesseurs Kurt Elling et Kevin Mahagony n'ont pas réussi jusqu'ici à conquérir.

Le répertoire de ce « King » Porter au futur est impeccable : il gratifie l'amateur de jazz-jazz des standards Skylark, But beautiful, tests de vérité pour les crooners, ou du Black Nile de Wayne Shorter ; celui aussi des protest songs style années 1960 (1960 What ?, Illusion, originaux du chanteur qui rappelle là le grand oublié Leon Thomas) ; celui encore de la soul r'n'b (Wisdom, Magic Cup) ; enfin l'amoureux d'a cappella (Feeling good). Une telle voix, black, dorée par le soleil au crépuscule, avouons-le, était inespérée. Elle comble, au moins pour un disque, au-delà de toute attente.

| 1 CD Motéma Music/Integral Classic, 13,65 EUR.

Michel Contat - Telerama n° 3229