Davisd LAfore nu, se cache derrière une palme
David Lafore

L’étrange gaillard de Lafore

En concert, David Lafore « polissonne » et « gaudriole », façon de conjurer la tristesse de ses chansons au verbe fin. On aime.  Ce Marseillais néo-Parisien s’est créé un personnage à la Buster Keaton

Comment se fait-il qu’on sorte à ce point ragaillardi d’un concert de David Lafore ?
Alors que la plupart de ses chansons sont si pessimistes ou, à tout le moins, emplies d’une implacable mélancolie. Costard anthracite, teint blême, regard fixe à la Buster Keaton, le Marseillais (34 ans) se produisait le mois dernier au Limonaire, accompagné de sa seule guitare. Dans ce temple de la chanson «à textes », il a commencé par tomber la veste. Et même un peu plus… En slip et en chaussettes, il a entonné 20 francs. Refrain : « 20 francs, le cunninlingus. Pas un franc de moins, pas un franc de plus, 20 francs, je suce. » La salle s’est gondolée, a fredonné en chœur la comptine polissonne.
Mais l’ambiance n’est pas restée longtemps à la gaudriole. Un concert de David Lafore, c’est aussi (surtout) se prendre en pleine poire des textes, pas forcément amènes, qui, d’un trait précis, dessinent toutes les étapes et les états de l’amour : l’extase des débuts, la complicité, la jalousie, la rupture, les regrets…. Des textes que l’on savourera sur son deuxième album, sobrement intitulé II, qui sort ces jours-ci. Guitare et piano enjoués, plus souvent crépusculaires, trompette au spleen contagieux… Sur disque, la musique de son groupe, Cinq Têtes, colle au monde de Lafore. Un peu trop peut-être, au risque parfois de « plomber » l’écoute. Qu’importe, les textes sont bien là. Deux chansons –Un baiser, une bombe et  J’ai massacré tout un pays – pourraient bien trouver le chemin des ondes. La première est guillerette : « Un baiser, une bombe. De ta bouche explose. Sur ma bouche en plein jour. » La seconde nous rappelle que les hommes n’ont pas finir d’en baver. Simplement parce que nous adorons nous comporter en barbares : « J’ai massacré tout un pays. Un pays doux en frais vallons. Ses beautés restent en moi. Elles sont sous mes paupières. C’est pour ne pas les voir. Que j’ai les yeux ouverts. » Signe d’une écriture juste, ne souffrant aucune tiédeur, quand Lafore est drôle, il est très drôle. Pareillement lorsqu’il est sombre.
 Autoproclamé « faux timide » (on le suspect e de l’être vraiment), le chanteur, parisien depuis un an, est pour l’heure abonné aux cabarets et aux premières parties. Un récent passage à l’Olympia, en compagnie des Cinq Têtes, lui a fait pousser des ailes. « Je sais que je peux créer l’intimité dans une grande salle. » Et il semble bien décidé à ne plus (trop) faire le zouave. « Auparavant, j’avais tendance à massacrer mes chansons les plus noires, je les assume davantage. » On envie ceux qui vont l’entendre pour la première fois à l’Européen.
Erwan Perron
Télérama sortir n°2983 – 14 mars 2007

Musiques
Les voix blanches
Petits cousins de Katerine et de Dominique A, ces auteurs-compositeurs français attendent leur heure.

Causticité. Dans des arrangements et une production à l'élégance pas ramenarde, le bohème David Lafore est une des plus belles surprises qu'il nous ait été donné d'entendre depuis longtemps. Entre tendre causticité à la Gainsbourg première période et détachement glabre mélancolique à la Vian, il serait plus proche de Katerine que de Dominique A ou Miossec, quand il effectue ses premières parties en caleçon, chaussures et chaussettes sur une chanson grivoise («Pour la fête des mamans/Faites un cadeau charmant/Offrez-lui un cunni/ 20 francs»).
 «C'est mécanique, analyse le Marseillais, comme quand un chien te court après en aboyant, tu te mets à courir. La plupart de mes chansons sont tristes, voire nostalgiques, pour employer un gros mot. Sur scène, je serais gêné de les présenter telles que je suis quand je les écris. Ce qui explique cette envie de n'importe quoi.»
A partir de phrases entendues dans un hôpital psychiatrique («J'ai massacré tout un pays», une femme à propos de son frère), il fait des chansons sans âge, de berger (Au bord de la mer), avec des collages à la Apollinaire («Un baiser une bombe/De ta bouche explose/Sur ma bouche en plein jour» : deux textes croisés). Deux ans et demi après son premier album, David Lafore, depuis peu parisien, se situe dans l'exact compromis de ce que l'on aime de Florent Marchet et de Bertrand Betsch.
Par Ludovic PERRIN
Libération
lundi 12 février 2007

David Lafore, olibrius de talent

David Lafore, olibrius de talent « S’il fallait lui trouver une gueule d’acteur, on irait plutôt chercher du côté de Buster Keaton, la star du muet : valises sous les yeux, regard stoïque et humour à froid. Mais un Buster Keaton qui aurait retrouvé la parole et chanterait forcément avec un air de ne pas y toucher, d’une voix monotone, imperturbable, s’interdisant de savourer ses bons mots. David Lafore, Marseillais de 32 ans, débarque ainsi avec son premier
album épatant, sorti il y a quelques jours, l’une des grandes révélations de l’année. […] »
Emmanuel Marolle
Le Parisien
mardi 19 octobre 2004

Peintre deChair

« Lafore est un peintre de la chair, se dépêchant de rire de peur d’en pleurer, modeste sur son parcours mais sachant où il veut aller grappiller des points de qualité comme tout bon érudit de musique et acrobate de mots: il est fort Lafore […] Derrière sa nonchalance et son coté je tue les caniches des vielles dames, se cache un très grand chanteur à la voix envoûtante (même s’il vous dira, pointilleux, qu’il n’est pas encore satisfait de son organe, sans vous préciser de lequel il parle). Sorte de Docteur Mabuse, son cabinet des horreurs accepte l’erreur comme une marque de progression. »
Pierre Derensy
Rock’N’France
23 février 2007



David Lafore Cinq Têtes

[…] on a beau bien connaître ce Marseillais, il nous surprend toujours autant. Derrière des atours de jeune homme respectable, propre sur soi, gendre idéal, classieux même, ce type
est une sorte de désherbant ou d’Attila : là où il chante, l’innocence ne repousse pas ! David Lafore excelle dans la chose décalée, limite incongrue : si vous prenez langue avec lui, vous risquez d’être un brin déconcerté, bousculé. Mais vous vous y ferez : c’est irrésistible ! D’une admirable qualité d’écriture (« Ceux-tu bien que ma bouche / Depuis ton pavillon / Allonge dans sa couche / Sa lascive diction ? »), nimbé d’un parfum musical délicieusement pop aux soupçons d’exotisme, cet opus ne parle vraiment que d’amour. (…) »
Michel Kemper
Chorus Les cahiers de la création
N° 59 / Printemps 2007