Keyvan Chemirami joue du Zarb
Keyvan Chemirami
Mon père Djamchid Chemirani est né en 1942 à Téhéran et commence à pratiquer le zarb très jeune avec Maître Hossein Teherani. C'est un élève tellement doué qu'il remplace régulièrement son maître lors des concerts à la radio et à la télévision iranienne. Rapidement connu comme son digne successeur, il commence uen carrière internationale.
En 1961, il s'installe en France et permet au public occidental de découvrir la virtuosité de cet instrument qu'est le zarb.
Virtuose et toujours ouvert, il a participé à de nombreuses créations dans des domaines musicaux très variés.

Je suis né à Paris en 1968…
Baigné depuis l'enfance par cette ambiance musicale, j'ai commencé à jouer du zarb auprès de mon père à l'âge de 16 ans. Mon monde musical est celui de la Méditerranée et de l'Orient : il est étonnant de remarquer que dans leurs incroyables diversités et spécificités, les musiques méditerranéennes et orientales gardent un certain esprit en commun.
Le caractère modal de ces musiques ainsi que leurs liens directs avec le chant et la poésie en sont peut-être la principale raison. Mes différentes rencontres musicales (flamenco, musique ottomane, grecque, arabo-andalouse) m'ont permis de mesurer le caractère particulier de chacune de ces traditions, mais aussi des aspects communs parfois très surprenants - on est frappé par l'étrange similitude entre le rythme de la buleria du flamenco et celui du kereshmeh iranien.

L'Inde, ce paradis du percussionniste, reste une influence importante, si la richesse des timbres, les variations mélodiques, la multiplicité des sons et les frappes du zarb n'ont rien à envier au tabla indien, force est de nous incliner devant la science de la métrique stupéfiante des Indiens - du Nord et encore plus du Sud -.

 Le Monde  3 fév 2012

 
Discographie :
  • Tambours de la terre II » - D. & K. Chemirani (Saga / Auvidis)
  • Entre la rose et le jasmin  - F. Atlan (Musiques du monde / Buda)
  • «Too for, free too  - Jorge Pardo (Nuevos Medios)
  • Entre dos barios  - Juan Carmona (Empreinte digitale / Harmonia Mundi)
  • Ambla doca  - C. Zagaria / D. Aguilera (Delfaqui)
  • Vidéo Ross Daly : « Live in Berlin » (Oriente Musik)
  • Zarb solo 
  •   Zarb duo  (Al Sur)



Le rythme de la parole

L’art de la percussion iranienne est basé sur la poésie. La structure des pièces instrumentales pour zarb s’inspire de celle des poèmes persans, les coups portés sur la peau de chèvre qui recouvre l’instrument font échos aux pieds des vers. Keyvan Chemirani, élevé en musique par son père Djamchid, baigne dans cette culture depuis l’enfance.
Cette tradition qu’il ne cesse de croiser avec toutes celles qui passent par son chemin émotif, lui sert de grille de lecture et le pousse forcément à être particulièrement sensible aux voix. Musicien agile, il a depuis longtemps conquit les oreilles de nombreux artistes, chanteurs et instrumentistes. On retrouve ici certains de ces vieux compères, le Breton Erik Marchand, l’irlando-crétois Ross Daly, l’Indienne du Sud Sudha Ragunathan, la Sépharade Françoise Atlan ou son propre frère Bijan. Avec eux l’entente est immédiate et l’improvisation ressemble au dévoilement de secrets partagés. Etonnant comme la percussion iranienne peut se rapprocher du son du tabla, comme la langue bretonne sonne presque méditerranéenne.
Il y a quelques années Keyvan souhaitant se frotter aux traditions africaines, a entraîné sa famille dans l’aventure Falak où le trio échangeât rythmes et notes avec la famille de Néba Solo.
Pour ce projet le chanteur balafoniste malien a retrouvé le percussionniste et la complicité entre les deux artistes se révèle à nouveau éclatante, d’autant qu’elle s’est élargit sur un titre par la présence solaire de la grande Nahawa Doumbia.

Au gré de ses voyages, Keyvan rencontre de nombreux musiciens. Par affinité, il s’immisce parfois dans leur intimité culturelle et tente avec eux d’en repousser les frontières. Que cet enfant de Provence rencontre la chanteuse occitane Delphine Aguilera n’a rien de surprenant, mais qu’il dialogue sans heurts avec la marocaine berbère Cherifa, les turcs Kudsi Erguner et Halit Neciboglu ou le pakistanais Faiz Ali Faiz est plus surprenant.

En 2003, Keyvan est allé pour la première fois rendre visite à sa famille paternelle restée en Iran. Lors de ce voyage il fit connaissance avec le jeune et prodigieux chanteur Alireza Ghorbani.
Leur rencontre dans un studio de Téhéran donne une des plus belles plages de ce disque. Pour la première fois les doigts de Keyvan Chemirani courent pour soutenir les notes d’un vocaliste de son pays, retrouvant ainsi le mariage ancestral de deux timbres faits l’un pour l’autre. Ici, comme sur tous les autres morceaux de « Le rythme de la parole », l’art du joueur de zarb oscille entre inventivité et respectueuse discrétion, pas un mot de trop, pas une parole hors de propos, pas un battement qui ne soit directement relié au cœur.
Benjamin Minimum