Un peu d'histoire

Le roi s'amuse

le roi debout  dans toute sa splendeur s'amuse de voir triboulet scruter l'horizon avec une paire de jumelles
François 1er et Triboulet

le roi s'amuse  et son temps


La première a lieu le 22 novembre 1832 au Théâtre-Français. Dès le lendemain, le directeur reçoit un avis du ministre: la pièce est interdite.

L'acte est arbitraire et contredit la Charte-Vérité - votée quelques mois plus tôt - qui met fin à la censure, donne aux Français le droit de publier et abolit la confiscation.

Faute de pouvoir attaquer le ministère, l'auteur intente un procès commercial au Théâtre-Français. L'opinion publique se rallie à lui ainsi que la grande majorité des personnalités de la littérature et des arts de l'époque.
Le gouvernement d’alors - la Monarchie de juillet - ne cède pas.

Malgré quelques retouches aux répliques de François 1er et de quelques courtisanes, la pièce est définitivement suspendue le 24 novembre 1832.

Le prétexte de l'interdiction est que la pièce est immorale. Mais en réalité c'est la mise en cause du roi qui a choqué les autorités.

Hernani avait provoqué une “bataille” fameuse mais a été jouée 53 fois; Marion de Lorme, interdite par la censure de Charles X, a pu être  donnée après la révolution de 1830, 61 fois.

Pour Le Roi s’amuse la première reprise aura seulement lieu en 1882.
Depuis, la pièce est inscrite au répertoire de la Comédie Française. Elle a été mise en scène par Jean-Luc BOUTTE en 1991 avec Roland BERTIN dans le rôle de Triboulet.

Entre temps, VERDI, aura créé son Rigoletto, adapté assez fidèlement de l'oeuvre de Victor Hugo,  à Venise en 1851 (repris à Paris en 1857 puis 1863).

Dans ces années 30, Victor HUGO n’est pas le révolutionnaire qu’il sera plus tard; il a déjà mené plusieurs combats - entre autres contre la peine de mort et le royalisme absolu -  tout en restant un modéré. Il n’est pas clairement du côté de l’opposition républicaine. Avant tout concentré sur son oeuvre, il écrit Le Roi s’amuse alors que des émeutes sont réprimées avec violence.

Il serait donc faux de déduire de son interdiction que Le Roi s‘amuse est une attaque politique en règle contre le gouvernement de Charles X.

Cependant, Triboulet est bien un homme en colère; il incarne une misère sourde et sauvage. On comprend également que la conduite du roi et sa complaisance à fréquenter les bouges des bords de Seine irritent le pouvoir et provoquent les attaques des adversaires de Victor HUGO.

Ce sont surtout des sujets qui intéressent vivement la communauté! Le XIXe siècle compte sept gouvernements successifs, trois régimes différents allant de la monarchie parlementaire à l’empire en passant par deux républiques. La question des rapports que le peuple peut, doit, pourrait ou pourra entretenir avec le pouvoir sont à l’oeuvre en permanence, de multiples manières.

Le Roi s’amuse contient surtout des ingrédients très populaires - sans aucun populisme - qui inquiétent la bourgeoisie fraichement installée au pouvoir en questionnant, au-delà de la comédie satirique qui stigmatise les moeurs de la cour, le rapport des hommes à la fatalité, donc quelque part leur capacité à lutter contre l’assujettissement.

Fortement ancrée dans la vie de la communauté, cette oeuvre est très séduisante – forte de toutes ses ambiguités – et du même coup éminemment partageable.