Charles Rios

Tartuffe (2012)

un portrait de Charles Rios
Charlies Rios
le plan de la scénographie
le plan de la scénographie

Charles Rios

Le décor de tulle de Tartuffe 2012, en janvier à Chaplin, est né de l’imagination de ce décorateur aussi exigeant que lucide. Pour lui, une scénographie réussie aide à lire le texte théâtral. Ou quand la technique magnifie l’art.

“La différence entre scénographe et décorateur ? Plus vous vous rapprochez de Paris, plus vous êtes scénographe ! Très dur à lire Tchekhov, tous ces noms à retenir...” Il a le verbe gourmand, la distanciation de l’expérience et la gentille provocation de celui qui aime son art vivant, vivifiant : le théâtre. A 56 ans, le malicieux Charles Rios signe le décor du Tartuffe 2012, la pièce que présente Laurent Vercelletto à Chaplin en janvier dans le cadre de sa résidence. Charles se tamponne des paillettes et préfère l’artisanat à l’art de se montrer. D’origine lyonnaise, sa mère, dessinatrice en soieries, n’est peut-être pas étrangère à une douce manie : à l’école, il passe plus de temps à dessiner qu’à prendre en note le discours professoral. “J’aurais aimé faire les beaux-arts mais j’avais des scrupules vis-à-vis de mon père, ouvrier, immigré espagnol républicain. Alors je me suis tourné vers une école d’arts appliqués à l’industrie”, raconte- t-il. Et tente ensuite avec succès les arts déco de Paris, dans la section scénographie. “Discipline mariant art et technique. Technique qui permet à la création de se concrétiser”, décrit Charles Rios. De retour à Lyon, il intègre le TNP comme peintre décorateur avant de se lancer, seul, dans les décors, “que je tiens toujours à peindre moi-même”. Rétif au cinéma, il apprécie le temps théâtral, réfléchi et artisanal, au sens noble du terme. Amoureux des textes qui parlent de l’humain, il leur donne une nouvelle lecture en un écrin. “C’est un art vivant ! Je peux donc très bien m’y emmerder !”, lance-t-il, mi provocateur, mi attendri. Modeste et exigeant, il se fait aussi l’apôtre de l’échec, signe que le fascisme s’éloigne. “J’ai créé soixante-dix décors, il n’y en a peut être que dix de très bons...”, assure-t-il.

Ce qu’il a imaginé pour Tartuffe est en tout cas prometteur. “Nous échangeons avec Laurent Vercelletto, puis on réfléchit dans notre coin, il me rappelle alors angoissé pour savoir si j’ai avancé et je lui mens que oui”, résume-t-il espiègle. Entre temps, il s’est inspiré d’une œuvre d’un artiste coréen, une maison en tissus, pour proposer un décor en tulle. “Laurent insiste dans sa mise en scène sur l’enfermement invisible de la religion et des familles, cela offre des zones de jeu intéressantes. Les acteurs pourront par exemple lever le tulle plutôt que de prendre la porte”, imagine Charles Rios. Quant au sol, une première partie couleur bronze s’ouvrira sur un rectangle d’écritures, un des points communs des trois religions monothéistes. Pourtant plane une épée de Damoclès financière. “Après trente six ans de théâtre, je suis bien content de ne pas débuter, il y a une telle volonté politique de dégraisser”, regrette-t-il. Il n’est pas né le Tartuffe qui fera de lui un dévot de la docilité. 

Stéphane Legras