Nasser Djemaï

Note de l’auteur

Pour mes parents, les clés du savoir, de la réussite et de la vérité, c’était l’école. Et pour mon bien, j’avais un seul mot d’ordre : « Eux savent tout, nous on ne sait rien… »
Le point de départ de mon travail est autobiographique. En sixième, un camarade de classe a eu un grave accident dans la cour du collège. Afin de lui éviter un retard trop important, je lui apportais régulièrement ses devoirs à la maison. Pour me remercier d’avoir pris soin de son petit-fils, la grand-mère de cet ami a décidé de prendre en main mon éducation. Elle m’a fait comprendre qu’avec un prénom comme le mien, je ne pourrai jamais prétendre à de grandes choses. Elle m’a donc baptisé « Noël », m’a fait des mèches blondes, m’a inscrit à l’aumônerie, mes notes à l’école en étaient bien meilleures et je trouvais tout cela extraordinaire.
Tous les personnages ont donc un ancrage dans mes souvenirs, mais ils ont été étirés, poussés dans leurs retranchements, pour devenir des figures théâtrales. Car nous sommes bien loin du genre de l’autofiction, mais bien dans l’univers d’un conte, à la fois drôle et cruel.
Chacun est persuadé d’agir pour le bien d’autrui, et c’est avec cet objectif que les personnages commettent des actes d’un égoïsme terrifiant.
C’est « l’ignominie de la bonté » que je m’amuse à déceler, la « bonté » de la grand-mère, qui veut sauver Nabil en lui donnant un nouveau prénom, la « bonté » du père de Nabil qui demande à son fils de ne pas lui ressembler.
Nasser Djemaï