Le contexte de la pièce

Hate Radio

Hate Radio (photo Daniel Seiffert)

Lorsque l’avion du président rwandais Habyarimana est abattu par deux missiles le 6 avril 1994, peu avant l’atterrissage, c’est le signal de départ du génocide le plus cruel jamais enregistré depuis la fin de la guerre froide. Au cours des mois d’avril, de mai et de juin 1994, on estime qu’entre 800 000 et 1 million de personnes appartenant à la minorité Tutsi ainsi que des milliers de Hutu modérés sont assassinés dans cet Etat de l’Afrique centrale.
Bien avant les “100 jours”, la station de radio la plus populaire du pays, la “Radio-Télévision Libre des Mille Collines” (RTLM) a pratiqué, quotidiennement, avec des techniques innovantes, un véritable lavage de cerveau chez ses auditeurs. Elle a savamment travaillé à la déshumanisation progressive des uns (Tutsi et Hutu modérés) et à la radicalisation sauvage des autres. La programmation mêlait à la musique pop, aux reportages sportifs, des pamphlets politiques et des appels explicites au meurtre. Le studio de RTLM est ainsi devenu en quelques mois, un laboratoire de propagation d’idées racistes, égrenées au milieu d’émissions de divertissement.

La reconstitution d’une émission de la “Radio-Télévision Libre des Mille Collines”, animée par trois animateurs d’origine rwandaise et un animateur d’origine belge, figure au centre du projet. L’installation scénique, constituée par l’auteur et le metteur en scène Milo Rau à partir de documents et de témoignages, rend perceptible la manière dont se développe le racisme et le processus par lequel certains êtres humains voient leur humanité niée par d’autres, en paroles et en actes. Les spectateurs séjourneront dans le laboratoire d’une pensée raciste en pleine maturation.
Pendant les représentations, les murs du studio de radio reconstitué font office de surfaces de projection d’une installation vidéo complexe présentant des narrations choisies des anciens bourreaux et victimes. Le public y est confronté aux conséquences de la pensée raciste. HATE RADIO n’exige pas seulement des spectateurs qu’ils fassent une halte au plus profond ou plongent au coeur de la connaissance raciste. Elle en fait simultanément des témoins compatissants de ses retombées destructrices et indélébiles.