Etincelles de fiction

Dzaaa !

Mongol le roman de Karin Serre , publiè à l'Ecole des Loisirs

Quand j’ai reçu la lettre de Delphine Noly, j’ai été frappée par son engagement et son enthousiasme pour mon roman Mongol. Mais pourquoi voulait-elle en écrire une «adaptation», alors que je venais moi-même de le réécrire sous forme théâtrale pour le Théâtre du Rivage ?

Nous nous sommes rencontrées pour prendre le temps de comprendre nos façons de travailler. Delphine m’a parlé de Lucien, des coïncidences qu’elle avait ressenties, de son rapport à la musique, au son, aux rythmes et de son désir de lancer dans un nouveau spectacle basé sur une seule histoire. Je lui ai raconté la genèse de Mongol, la façon dont les histoires surgissent par bouffées de voix en moi, mon rapport au son et au rythme et ma réticence envers le rapport au public dans les formes contées, le peu de fois que j’en avais rencontré.
Alors, parce que tout ne peut pas s’expliquer, elle m’a invitée à la Cité de la Musique, pour une représentation scolaire de Sage comme un orage.  J’en suis sortie emballée. C’est une vraie femme-orchestre à la présence directe, intense et généreuse.Quand elle parle, ses mains battent du bout des ailes, et sa narration semble décuplée, diffractée par tous les moyens scéniques qu’elle utilise : texte, voix, son, gestes, rythmes, musique, langues, incarnation… M’ont aussi touchée ces liens entre nos mondes de fiction qu’elle avait pressentis. Nous partageons ces deux Lu-garçons solitaires aux vies intérieures intenses mais aussi des corbeaux, des métamorphoses végétales ou animales, des ombres vivantes, et nos oreilles, surtout, nos oreilles grandes ouvertes sur le plaisir du chant-champ des mots.
Alors je lui ai dit : «Vas-y, travaille comme tu veux à partir de Mongol». Il sera toujours temps de
déterminer la proximité de son futur spectacle avec mon roman initial. L’essentiel, grâce à notre apprivoisement mutuel, c’est de laisser circuler la fiction dès lors qu’elle allume de nouvelles étincelles.


Mongol a déménagé dans sa tête, Lucien et les corbeaux, dans la mienne. Et j’attends avec curiosité de voir où son travail personnel autour de Ludovic, de son intense monde intérieur et des steppes mongoles va mener Delphine.

Karin Serres, auteure du roman Mongol.