extrait du parcours

Juliette

le visage de Juliette devenu lune
La pochette du Cd Nour
Juliette a aussi un nom de famille, un nom qui signifie lumière de la foi ou de la religion, Noureddine en arabe, le nom du père, de son père, musicien chevronné que les routes ont appelé plus que la maison, où la mère s’occupait du reste : c’est-à-dire de tout, la cuisine et la culture, la liberté de pensée et le choix de la transgression. Un choix déjà fait, pour elle et avant elle, dans une famille de paysans où l’on tend une fourche en guise de félicitation pour un diplôme obtenu, une mère brillante qui rompt avec la terre ; des parents qui bien avant 68 avaient fait le choix de la rupture  et de la liberté.

Juliette en cela a bien appris la leçon : mais Noureddine, c’est trop long, et dans «lumière de la foi», elle garde la lumière ; la foi, elle la voue à la musique, des mots et des instruments, la musique de la vie. Pour la transcendance, elle en fait son affaire, c’est que la spiritualité dans les deux sens du terme habite son album, drolatique et profond.

Déclinaison sur la lumière, dans cette chanson qu’elle a écrit en premier «Nour», mais qui clôture l’album: les premières lumières, la lampe de chevet et les bras de la mère, la prof de piano, la maîtresse d’école, puis les lumières qui brûlent, qui éclairent, à moitié : la moitié de son nom, en néon, à l’affiche : le temps du retour sur soi ? A cinquante ans, on y pense à la mort : la mitan, le milieu, la moitié. Et les raccourcis, les court-circuitages, les lustres de cristal et la lampe d’Aladin, lanterne magique et étoile du nord... du Nour.  Elle aime quand se répondent «le très grand et le tout petit», les choses très personnelles, et les plus collectives, on a tendance à les confondre, l’infime est souvent l’expression singulière du commun. C’est aussi son premier quatuor à cordes: «très difficile, tous les compositeurs y touchent avec respect et inquiétude», mais la  chanson oblige une petite formation, le célesta pour les petites notes cristallines, le  caractère chambriste, intimiste, mélancolique et joyeux à la fois, qui épouse bien «la petite chose» à la Charles Trenet, le sourire d’Hélène dans les beaux soirs d’été dans la folle complainte. Trenet côtoie Fauré, dans ses inspirations: le Pie Jesu de son requiem hante comme une lamentation délicieuse et élevée les accords. Elle ne cache pas ses sources, son talent est de les marier, à la façon d’un Gainsbourg par exemple, mais des exemples il y en a peu. 

C’est que Juliette s’inscrit dans une tradition, et cette inscription là vaut transmission : on appartient à une culture musicale, et cette culture est verticale, elle se souvient des chansons écoutées par sa mère, murmurées par ses grandsparents. La pop  neurasthénique, très peu pour elle. La musique est aussi une histoire. C’est comme cela qu’elle dépasse les modes...

Mazarine Pingeot
juin 2013

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