le texte

Mercedes

devant le gradin plié du théâtre devenu décor de la pièce
David Bescond
Une succession de  tableaux, dont les titres parodient un processus scientifique.

Mercedes, première pièce écrite par Thomas Brasch en RFA, est souvent décrite comme son tableau le plus noir du présent. Pourtant  elle laisse apparaître, par ses thèmes et sa forme,  une poétique du germe, des possibles.

Mercedes met en présence Oï et Sakko, jeune femme et jeune homme sans travail, dans un lieu indéterminé : sorte de no man’s land urbain, bordant une route.   

A travers une multitude de situations qui s’imbriquent avec ou sans logique, la pièce prend petit à petit la forme d’un jeu de construction en perpétuel mouvement. Les personnages s’adonnent à un jeu de rôles amnésique où chaque scène est début d’une nouvelle histoire aussitôt anéantie : monde désarticulé, proche du théâtre de l’absurde.  

Oï et Sakko se débattent : frères, amants, camarades, ou ennemis, Eve ou Adam ; ils explorent et réinventent sempiternellement le duo Homme/Femme.  

Ils essaient, sans manifestement y parvenir, de donner un sens à leur existence. Désemparés face au temps libre, en quête d’une normalité perdue, d’un rôle et d’une partition, ils tentent de rompre l’ennui par le jeu.

Rejoints par un troisième naufragé, « l’homme dans l’auto », ils semblent prisonniers de la pièce elle-même. Cobayes du laboratoire.

« Que cesse le travail et le travailleur c’est alors seulement que l’être humain commence et s’achève déjà »

Quelques perspectives ?
Le théâtre en chantier. Thomas Brasch malmène les règles dramaturgiques traditionnelles : psychologie, intrigue, niveaux de langues, personnages… Il convoque sur scène « les interprètes de Oï et Sakko ». Cette esthétique des possibles force le public à participer activement à l’élaboration du spectacle, par le doute et l’imagination. 
Thomas Brasch refuse de fournir, par le biais de l’art, une utopie qui compenserait  les déceptions de la vie quotidienne. Il ne dépeint pas un projet de société idéale mais propose, à travers ses personnages, un élan, une énergie d’invention qui pourrait être la source de quelque chose de nouveau. Il opère un travail de subversion par l’imaginaire. 
Mercedes est une invitation à jouer avec les possibles.


« Que faire. Impuissants les mots qu’ils échangent l’un l’autre, vides les pensées qu’ils se taisent l’un l’autre, mais soudain germe une autre sensation »