Au lointain entre mer,  ciel et horizon gris un homme avance dans l'eau.
visuel de projet
Errances est long poème en vers libres construit en diptyque, forme hybride, aux frontières de la musique et du théâtre, poème pop, oratorio-rock, récitatif, poème multiple, où le « Je » éclaté du poète se fait monde, successivement homme et femme, pour raconter son désenchantement, sa colère, sa ferveur retrouvée.


Le jeune homme aux baskets sales (1)

« Nous sommes dans un désert. Personne n'entend personne. »
Gustave Flaubert


Le jeune homme aux baskets sales traverse les Balkans. Le poème suit son errance à travers les villes, les trajets en train, en bus, en taxi. Tous les « transports », de l'âme et du corps : le mouvement de la vie, l'étrangeté du monde, le rêve contemporain, la violence des images, la séparation des êtres, la quête d'une joie désirée... Autour : la guerre, les ruines, la destruction. Le poème du jeune homme écorché au lyrisme brutal rassemble sensations vives, bribes de souvenirs, visions d'été. Voyageur solitaire, il est l'héritier de Rimbaud, de Nerval, et des poètes aventuriers du XXème siècle (Blaise Cendrars, Jack Kerouak, Nicolas Bouvier.), témoin malgré lui d'un monde dont la signification lui échappe. Mélancolie et désoeuvrement. Au milieu du désert métropolitain, ses cris désespérés appellent l'être aimé, l'être rêvé, dans l'espoir de trouver un sens, un salut. C'est alors que la femme rouge lui répond.


La femme rouge (2)

« La poésie se glisse dans le rêve. »
Roberto Bolaño


Au bout du voyage, il y a le rêve. À travers les limbes d'un sommeil sans fond. Des images folles, nées de la fatigue et du désordre de l'esprit. Dans le noir, une bouche se met à bouger, comme une rose rouge sang. Hypnose. Kaléidoscope.
Nadja, Nedjma, Salomé, Aurélia, Ariane, Nausicaa. Marianne. Rosa.
La femme rouge marche seule dans Berlin, abandonnée. Autour : les feuilles mortes de l'automne, les idoles brisées, les statues de Marx et Engels comme les reliques d'un monde très-ancien, les vitrines éclatantes des nouveaux magasins, les affiches multicolores, les écrans, les panneaux de publicité. La femme rouge marche le long de la Spree. Elle chante. Sa voix se fait la voix de toutes les voix. Les humiliés et offensés, les naufragés, tous les laissés pour compte. Elle chante. Et son chant atteint les étoiles, pour former un court instant le dessin d'une constellation nouvelle.


Errances (1+2)

Les deux voix du poème se répondent par delà les frontières de l'espace et du temps. Deux solitudes. Deux appels. L'un vers l'autre élancés. Deux fantômes. Deux apparences. No man's land. Le poème réunit les âmes errantes à travers les guerres, l'exil, les déchirements. Par-delà la mort, séparés, Orphée et Eurydice, poètes sans papiers, n'ont pas d'autre moyen pour tenter de se toucher, que de chanter. Chacun brisant un court moment sa longue marche silencieuse à travers les arcanes du siècle.
Clément Bondu, février 2013