tu t'es vu quand t'as bu

Bubu’s blues

un couple dans la pénombre d'une pièce baignée par un rai de lumière qui pénètre  par une lucarne
Catherine Ducarre et Jean louis Delorme
Le sulfureux auteur américain Charles Bukowski, mort il y a près de vingt ans, fait l'objet d'un projet théâtral et familial. La production made in Théâtre Du désordre des Esprits- Compagnie Bruno Boëglin relate l'histoire subjective d'un vieux dégueulasse.
Dans la famille Laval-Boeglin : la mère, Marie-Paule met en scène cette vie rêvée de Charles Bukowski. Le père, Bruno, fondateur de la compagnie joue un rôle dans l'histoire.
Romain, le fils, aussi. L’autre fils, Seymour, signe la scénographie et les lumières. Bubu’s Blues a été créé à l’Elysée, un ancien cinéma lyonnais devenu théâtre. L’étincelle aura été un documentaire réalisé sur l’écrivain de la Côte Ouest. « En regardant ce dvd, j’ai eu envie de faire un spectacle sur lui parce que il ne correspondait pas du tout à l’image qu’on s’en faisait. Le côté provocateur et tout ça. En fait c’était un grand tendre.»
En voilà encore une qui s’est laissée prendre par le charme bukowskien ! Ce Gainsbourg de la littérature américaine plaît aux femmes malgré une beauté cachée, un vice certain, mais une sensibilité et un talent avérés. Son double littéraire, Chinaski, commet autant de frasques que son créateur. Bubu’s n’écoute que son cerveau reptilien : il boit, fume, fornique. Et le revendique en noircissant des pages entières de romans et poèmes. Il nous expose ses problèmes gastriques, les aléas de ses fonctions rectales, nous confie que la nature l’ayant généreusement doté il peut donc s’adonner frénétiquement aux plaisirs de la chair.

En 1978, le visage grêlé, le discours pâteux, un verre à la main, trois cadavres de bouteille de blanc à côté de lui, il quitte en milieu d’émission le plateau d’Apostrophes. Sa réputation n’est déjà plus à faire, il est taxé de phallocrate, pornographe, vieux dégueulasse, poivrot, ce qu’il confirmera ce soir-là. A la question de Pivot : «Est ce que vous n’êtes pas la preuve vivante de la décadence américaine ?» il répond : «La vérité est ce qu’on lit de moi. J’essaie de faire que la vérité soit une fille jeune, en jolis dessous et en mini jupe, de manière à ce que les gens aient envie de la voir et de la connaître». Comment ne pas être subjugué(e) par cet énergumène décontracté ?

Le spectacle se propose de retracer sa vie à travers douze comédiens et un montage de textes tirés de nouvelles et poèmes. La première partie est axée sur son premier amour, Jeanne, de dix ans son aînée, encore plus alcoolique que lui, qui l’a rencontrée dans une de ses virées nocturnes. La deuxième partie commence par une lecture parmi celles qu’il avait l’habitude de donner, celle-ci pourtant ne va pas se dérouler jusqu’au bout…

Florence Barnola
Petit Bulletin 22 novembre 2013