De la farce loufoque...

Un monde meilleur ?



D’une théâtralité assumée et burlesque à un style réaliste et cinématographique.

Dans la première pièce on assiste à la déshumanisation des êtres au sein d’une entreprise de bâtiment. La pièce s’inscrit sous le ton de la comédie loufoque et décalée. Des ouvriers sur un chantier, construisent un centre de Thalasso Thérapie.
Ils sont pris dans une lutte acharnée contre le temps. C’est dans cette spirale infernale d’un prophète en treillis et tee-shirt de foot surgit pour apporter la parole “divine”. Telle une petite luciole dans la nuit, il incarne la tentative d’un jaillissement poétique dans ce monde d’hommes-machines, mais l’implacable mécanique du chantier avec ces ouvriers automates va s’abattre sur lui. La théâtralité burlesque très affirmée dans l’écriture fait penser au film « Les temps modernes » de Chaplin.
Pour accentuer cette idée, nous verrons les comédiens qui pourraient s’apparenter aux techniciens du théâtre, en train de construire un espace, l’espace de jeu pour la seconde pièce qu’ils nomment Thalasso Thérapie. Cet espace qu’ils mettent en forme est un cube dont ils assemblent les parties et habillent sous nos yeux de lamelles en plastiques et différents objets.
Les matériaux utilisés auront un double sens, pouvant évoquer et le centre de thalasso thérapie et le complexe autoroutier qui servira à l’autre pièce. La direction d’acteurs s’orientera sur un code de jeu très stylisé : les comédiens incarnant
les ouvriers auront des costumes bruyant et chacun aura une attitude et des mouvements marqués en contraste avec le prophète qui tentera d’amener un monde de silence.
La musique expérimentale et industrielle comme celle du groupe allemand Neubauten et les chorégraphies inspirées des danses de Anna Teresa de Keersmaker faites de mouvements en spirale et de va et vient perpétuels seront nos points d’appuis.
La lumière pourra s’apparenter à un plein feu comme si les services étaient restés allumés. Ainsi dans cette première partie du spectacle on est dans un espace unique, poétique et déréaliser. Dans la seconde le plateau sera fragmenté, réaliste et crue.Du monde du travail au sein d’une entreprise au monde du travail dans l’Europe.

Dans la seconde pièce l’ambiance décrite, à la différence du premier, a un côté plus documentaire. En effet on se heurte à la réalité poisseuse et brutale de l’actualité. L’action se situe aujourd’hui, au cœur de l’Europe. La construction de la pièce fait penser au scénario d’un film noir où l’on traverserait les dessus et les dessous d’un microcosme en bord d’autoroute. Chaque personnage a une langue singulière, avec un phrasé et un rythme qui donne immédiatement une couleur de jeu à celui qui s’en empare. L’ambiance inhospitalière de l’autoroute, avec bande d’arrêt d’urgence, camions et aire de repos
deviennent les lieux où se croisent différentes couches sociales et corps de métier : un politicien, un chauffeur routier, une journaliste, une prostituée et un vigile.
Les personnages dépeints de manière brute et sans fard donnent l’impression d’insectes enlisés dans la boue.
La pièce s’ouvre avec un conseiller ministériel qui prépare un discours sur l’interdiction de fumer dans tous les lieux publics. Cette loi sous couvert d’une éthique pour le bien-être des citoyens au fur et à mesuredu déroulement de la pièce va faire tomber les faux semblant et découvrir sa vraie nature.
 Ainsi le cube installé dans la première partie pourra créer différents axes de vue pour suivre l’enquête. Il aidera a créer différents espaces : fermé par des lamelles en plastique il peut signifier l’arrière du camion de Kars, (le chauffeur routier qu’on soupçonne de transporter dans son camion des contrefaçons de toute sorte et qui sert aussi de passeur à une jeune prostituée de 16 ans Paulya qui rêve d’aller à Londres) ; ouvert on peut imaginer le complexe autoroutier avec carrelage blanc, tv et chaise qui représente l’univers usuel du vigile ; le dessus, peut signifier une sorte de salle de conférence pour le conseiller ministériel qui se situe symboliquement en haut de l’échelle sociale ; à jardin on aura le bord de l’autoroute, zone non-définissable, dans l’obscurité, à peine éclairée par les vidéos d’ambiance de phare de camion…
Dans cette pièce le son et la lumière viendraient donc de l’intérieur du processus scénique pour amener à plus de réalisme. En effet des éclairages partiels et les sons provenant
de l’intérieur du cube seront là pour sculpté l’espace de jeu.
Le clair/obscur pour dessiner ce lieu de passage, cette zone de contrôle où se trame les délits les plus sordides. Le cube peut aussi représenter une sorte de TV géante, une petite lucarne sur le monde où les images de l’arrestation du chauffeur seront projetées à la une du journal télévisé «juste avant le loto» pour montrer l’exemple au monde comme le souhaite le conseiller ministériel.
Le cube qu’on construit dans la première pièce qui représente la Thalasso Thérapie et puis le complexe autoroutier en plus d’éclater l’espace dans la seconde a un double sens : il est d’abord le cercueil du prophète puis l’endroit où va se cacher la misère du monde. Symboliquement il devient à la fois boîte de pandore, ascenseur social et miroir aux alouettes.