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The Amazing Keystone jazz big band

les fondateurs du big bang © Bruno Belleudy


Amazing Keystone Big Band : chenille devient papillon

Né il y a un peu plus d’un an, le grand orchestre qui rassemble des jeunes pousses prometteuses se hisse au niveau des grands groupes américains dont il s’inspire tout en leur rendant un hommage appuyé. Pour l’occasion, il aura accueilli tour à tour Rhoda Scott, Michel Hausser et Cécile McLorin.
A quoi tient la saveur d’un big band ? A l’enchevêtrement de ses cuivres, à leurs sacs et ressacs, à cette façon de foncer vers le mur et de stopper, net, cette course folle. A ce déséquilibre savant entre trompettes, saxs et trombones. L’alchimie n’est pas simple à réussir. Et c’est tout l’intérêt de l’Amazing Keystone de s’être lancé dans l’aventure : un jeune grand orchestre, né il y a un an et des poussières, qui a décidé de plonger à bras le corps dans une tradition qui s’estompe : celle de ces grandes machines du milieu du siècle dernier qui ont associé pour toujours leur nom à l’exercice. C’est ce flambeau qu’ont décidé de reprendre ses musiciens qui ont tous l’habitude de jouer ensemble tout au long de l’année.
Ensemble, ils avaient démarré l’édition 2011 de Jazz à Vienne en étrennant la semaine parisienne du festival. Direction le Jazz Club Lionel Hampton de la Porte Maillot, de bonne réputation. Au programme plusieurs sets et de nombreux standards. Ensemble, hier soir, à Vienne, ils étaient un peu les héros de la fête. Pour ces raisons mais aussi pour d’autres : tous sont d’une certaine façon la génération « Jazz à Vienne », nés alors que le festival avait déjà pris son élan depuis belle lurette. Résultat en tout cas : un très beau set, rapide, presque trop, énergique, nourri de grands standards. L’Amazing se place ouvertement sous l’influence de Mel Lewis et de Thad Jones. Hier soir, il a appelé tour à tour à la barre Miles, Clifford Brown (Daahoud et sa célèbre intro) et beaucoup d’autres. Surtout, il retrouve ce son pêchu, multiple, obéissant à une discipline secrète qui est à la source du big band. Ronronnant à la perfection, sans la moindre hésitation, privilégiant les volte-face de ceux qui le composent. Assise imperturbable de la rythmique. Cataracte des cuivres. Le tout dessinant dans l’espace ces angles droits aux rares saveurs qui semblent être le véritable sel du grand orchestre.

Pour mieux s’inscrire dans la tradition, ou pour rappeler le rôle de trait d’union qu’il s’assigne, l’Amazing Keystone avait par ailleurs décidé d’inviter à l’avant–scène trois pointures symboliques du jazz : Rhoda Scott, qui s’est volontiers prêté au jeu, maîtresse de l’Hammond B3 et du Lesly de rigueur, Cécile McLorin, voix toute en nuance et au si beau timbre et enfin, Michel Hausser, bon pied, bonnes mailloches, à l’évidence ravi d’être ainsi associé à l’initiative et rappelant combien il était « réjouissant et réconfortant de voir une telle qualité musicale ». De fait, qu’il agisse seul avec ses solistes successifs ou en arrière-plan avec ses invités, l’Amazing aura démontré jusqu’à son retrait trop rapide, ses qualités toniques, et surtout le talent des individualités qui le composent. Au premier rang, sax oblige, Jon Boutellier, d’autant plus plébiscité pour son jeu et ses impros, dont un pas de deux avec le trombone, que pour son rôle majeur dans la constitution et l’ambition musicale de ce big band.

Jean-Claude Pennec
Article Jazz Letter