interview de Claire

Happy Church / Claire Diterzi


Claire Diterzi - Rosa la Rouge par naiverecords


Technique
De combien d’instruments joues-tu ?
A vrai dire, je considère que 3 notes suffisent sur un instrument pour en sortir des ambiances hallucinantes et écrire une chanson. Donc je “bidouille” tous les instruments que j’ai sous la main, ceux qui m’attirent par leur sonorité voire même, parfois, leur aspect (j’en achète parce que je les trouve beaux). J’ai donc été amenée à “pratiquer” l’harmonica, le banjo, les kalimbas, l’accordéon, le violon, le violoncelle, les éléments de batteries séparés, percussions en tous genres, pianos, xylophone, le trombone, le tuba et la flûte à bec.
Mon instrument de prédilection, est la guitare électrique, que j’utilise en open tuning, en autodidacte forcenée. Elle allie violence, sensualité, douceur, bruitismes en tous genres. Mais en général, les guitaristes me font chier.

Admettons que je veuille enregistrer un album comme ma grande idole Claire Diterzi. Quel équipement devrais-je utiliser ?
Tous mes amis techniciens et musiciens se foutent de ma gueule en voyant mon matériel… c’est très cheap et je déteste acheter du matériel (le pompon c’est d’aller à Pigalle chercher des cordes de guitare… comme je suis une fille on me prend pour une quiche, d’emblée, et encore plus quand je dis que je ne sais pas ce que je veux comme tiran (si ça s’écrit comme ça ?) parce que je joue de façon accordée bizarrement et je ne me souviens jamais de ces informations !!!). La honte !
J’enregistre sur un mac G5 que je considère ni plus ni moins comme un gros magnétophone et banc de montage. Mon soft de prédilection est CUBASE (old version bien périmée !!), j’ai deux reverb pourraves (la reverb A et la reverb B) incorporées, le soft que j’utilise pour les guitares est GUITAR RIG. J’ai une carte son merdique qui s’appelle EDIROL, un micro un peu pourri qui s’appelle BEHRINGER B-2 et des enceintes de gonzesse BEHRINGER TRUTH.
J’ai fait les 90% de Tableau de chasse toute seule avec ce kit… et reste convaincue que ce n’est pas le matériel qui fait la qualité, mais les idées ! Plus tu manques d’idées, plus tu investis dans le matos. C’est la surenchère du leurre. Mon seul caprice s’appelle MACINTOSH. Ces ordinateurs sont des chefs d’œuvre.

Dans quelle mesure penses-tu que le paysage musical français a évolué avec les logiciels de musique “home studio” ?
En ce qui me concerne, cette technologie numérique m’a apporté une autonomie intégrale. Ça désinhibe de travailler seule. On ne dépend plus de personnel et de studios qui coûtent une fortune. Je pense que c’est ce qui a développé les carrières féminines de ces dernières années aussi.

Lors de tes concerts, comment fais-tu pour commencer “L’Odalisque” a capella dans la bonne tonalité ?
Bonne question !!! J’adore ! le petit détail qui tue ! On est tous en ear monitoring sur scène. Mon batteur adoré, Etienne, m’envoie un sample dans la tonalité dans les oreilles pendant la projection du film. Mais on fait un concours avec Diane et Nathalie les chanteuses, on essaie de trouver la note toutes seules maintenant… mais on se goure souvent. Encore un prétexte à rigoler en coulisses…

Ton approche de la musique
Qu’est-ce que cela signifie pour toi de jouer au Printemps de Bourges ?
Bourges… C’est pas vraiment des bonnes conditions de concert tout ça… en 50 minutes chrono, nous avons fait ce que je qualifierai de “performance” !
Difficile d’installer notre climat habituel, de la profondeur et de l’émotion réelle sur un timing aussi serré. On s’en est bien tirés, mais j’ai dû faire le grand écart (VRAI !!) sur la vieille chanteuse pour épater la galerie ! Les joies des festivals : tout dans l’énergie et la pression. C’est comme être au volant de sa voiture, tranquille, et soudain, voir sur le bas côté de la route une bagnole de flics…
Tu n’as rien à te reprocher mais tu te mets à stresser et à te poser 12 mille questions : « le contrôle technique ok… ? et les pneus lisses ok… ? et les papiers… ? et les feux ça marche ? merde le changement d’adresse sur la carte grise ! » etc…
Ce passage est important car Bourges est un marché. Tu te vends en te produisant. Ca a tendance à passer avant le plaisir de jouer pour le public. Surtout à mon niveau, quand tu n’es pas très connue, la salle est remplie aux 3/4 de diffuseurs et de médias.
C’est un très bon exercice de savoir séduire ces gens là aussi. Mais ce n’est pas mon ambiance préférée, pour les raisons que je t’expliquais plus haut.
En terme d’émotions pures… tu es un peu seule sur le plateau. En face de toi on n’attend pas forcément des frissons, mais plutôt de savoir si ton concert est programmable dans tel ou tel salle. C’est très frustrant.

Que peux-tu nous dire de ton prochain projet musical ?
Ce ne sera pas l’adage « album / promo / tournée ». J’aime alterner les projets, composer sous le bouclier d’un chorégraphe ou metteur en scène ou réalisateur. Ca m’enrichit, me régénère. Je suis en train de composer la musique d’un petit film institutionnel pour le CNRS que réalise Jean-Jacques Beineix, les images sont très belles et j’avais depuis longtemps envie de composer sur les 4 éléments.
Sinon on me propose souvent des performances dans des musées !!! L’idée est très séduisante, il faut que je réfléchisse à ce nouvel ovni…
Ensuite, je vais collaborer avec Marcial Di Fonzo Bo, qui est un comédien époustouflant et un metteur en scène fantastique. Il m’a proposé une comédie musicale… Je n’en dis pas plus pour le moment mais on est excités comme des poux !!! C’est exactement le projet dont je rêvais pour la suite : De la musique mise en scène, qui va me ramener au théâtre.

Tu as fait des albums studio, et de la musique pour films, chorégraphies, expositions, pièces de théâtre, bientôt une comédie musicale… que manque-t-il à ta palette ? Y a-t-il d’autres choses que tu souhaiterais faire ?
Déménager sur Paris, quitter Tours, ce qui est prévu pour juillet 2008. Je viens de passer 2 ans à privilégier mon travail passionnant… là, c’est ma vie et celle de mes filles que je mets en avant. On part à l’aventure !!!!
Sinon j’avoue… l’envie de peindre et de dessiner me titille à nouveau… mais je ferai ça quand je serai vieille et moche avec le dos qui se barre en sucette et que je pourrai plus faire de concerts !

Faaaaaaaaaan !
“En Boucle” étant un site d’un fan pour d’autres fans, voici les deux questions que je me dois de poser :
Je sais que tu es fan des B52s, de qui d’autre te considères-tu fan ?
B52’s est mon groupe fétiche d’adolescente. ce n’est pas renversant non plus…
Je suis en admiration devant Radiohead (l’album “Amnesiac” plus particulièrement). C’est bouleversant. De même pour Björk, fascinante (”Vespertine”, “Homogenic”… stupéfiant). Dominic A et Noir Désir (”Des visages des figures”), de grands artistes qui resteront, qui ont vraiment remonté la barre en france. Je suis transportée par Le mystère des voix bulgares.
Je suis “fan” de ces gens là, ils me constituent, après, il y a la couche d’artistes que j’aime bien. Mais je ne vais pas l’étaler !
Comment décrirais-tu ta relation avec tes fans ?
Je suis toujours heureuse de discuter avec les gens qui cautionnent mon travail. C’est un cadeau. Je trouve “mes fans” très fins et intelligents. Je plains les Lorie, Jenifer & consorts de se coltiner des pétasses prépubères à toutes les sauces. Ce phénomène doit vraiment abîmer l’âme, salir l’amour propre au bout d’un certain temps, à l’inverse de ce que s’imaginent les fans justement, qui pensent gratifier leur idole en se prosternant à leurs pieds. Ce n’est pas un service à rendre aux personnes “publiques”. Même si elles sont dupes au début, ça les éloigne de la réalité, de l’authenticité. Je plains sincèrement les victimes des fantasmes que génère ce métier. Aussi bien les “stars”, quelle que soit la qualité de leur travail, que les “fans”.
Au début, j’étais très gênée de signer des autographes, ou d’accepter un compliment pour ces raisons. Je trouvais ça déplacé, indécent, impudique. Et puis j’ai tout simplement appris à aimer mon travail artistique (ce n’est pas inné je vous assure !), à prendre du plaisir à ce que je fais. Du coup, mon rapport aux fans est devenu naturel et sain. Je le vois comme un échange, parce que mes fans me donnent beaucoup, et des choses de qualité : de l’humour et du respect, des remarques très souvent justes et intéressantes. Surtout pas d’hystérie hormonale. Alors c’est classe, et élégant.

… et le reste
Depuis ma venue en France, j’ai découvert l’Eurovision et suis devenu fan de ce grand étalage de kitsch (personne n’est parfait). Question ludique : si on te le demandait (gentiment), participerais-tu à l’Eurovision ? Et si oui, quel type de chanson écrirais-tu, ou laquelle de tes chansons existantes présenterais-tu ?
Je le ferais volontiers. Je chanterais “La vieille chanteuse” ou “A quatre pattes”. Une chanson drôle et dérisoire, obligatoirement. Je suis ouverte à toutes formes de “promo”, à tous les médias, tant que je peux tenter de “changer le regard” de ce public beauf et que le cadre est “ouvert” à cet état d’esprit.
Quand j’étais petite, je regardais l’Eurovision avec mes soeurs et on passait notre temps à se foutre de la gueule de tout le monde, on était bidonnées devant tout ce premier degré ridicule.
Les choses que je refuse sont par exemple de faire des show case dans les grandes surfaces alimentaires. Ça c’est vendre son âme au diable.
Apporter de l’humour et du sang neuf à une institution telle que l’eurovision, ça fait partie de mon métier, mais on en me proposera jamais une telle audience malheureusement. Plus il y a de téléspectateurs, plus il faut faire de la merde et brosser les gens dans le sens du poil. Fuck le consensuel !
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