Gregrory Porter et la presse

Gregory Porter / Dianne Reeves

Gregory Porter semble écrire quelque chose sur l'objectif de l'appareil photo
Gregory Porter © Vincent Soyez

Gregory Porter : la voix nouvelle

Alors que paraît son deuxième album, Be Good, Gregory Porter occupe une place de choix dans la catégorie trop rare des chanteurs de jazz masculins.
 
Elle n'est pas due à une ravissante jeune fille promise à un riche avenir de diva. La plus belle voix du moment, dans la catégorie jazz-soul, appartient à un solide gaillard d'un bon mètre quatre-vingt-dix ayant dépassé la quarantaine. Son nom? Gregory Porter. Sa réputation circulait depuis une poignée d'années comme on partage un secret entre initiés. Il ne manquait plus qu'un bon disque à se mettre sous la dent pour pouvoir confirmer cette impression. C'est désormais chose faite. Alors que paraît son deuxième album, Be Good, Porter mérite d'être en pleine lumière.

Ayant flairé son potentiel immense depuis la parution d'un premier disque en 2010, bon nombre de festivals français ont inscrit le musicien à leurs programmations d'été. Dans la catégorie trop rare des chanteurs de jazz masculins, Gregory Porter occupe déjà une place de choix. Son timbre exceptionnel, hérité de la tradition gospel comme de l'écoute assidue de Nat King Cole, prend le contre-pied des techniciens attachés à la démonstration. Expressive et chaleureuse, la voix de Porter évoque autant les crooners que les grands interprètes de la soul, Marvin Gaye ou Donny Hathaway en tête: elle fait autant merveille dans la complainte amoureuse que dans la revendication identitaire. Servi par des accompagnateurs qui ont la finesse de ne jamais se mettre en avant, ce baryton tout en subtilité est aussi un compositeur habile. Les chansons de Be Good sont à ce titre encore plus fortes que celles du premier album. Surtout, elles permettent à l'interprète de couvrir un registre encore plus large. Une aisance qui ne dénature jamais le propos, montrant que Gregory Porter a assimilé plusieurs écoles de chant sans jamais perdre de vue l'expressivitédes racines du blues et du gospel. L'émergence de ce chanteur marque véritablement l'arrivée d'un grand talent. Après des années de domination féminine, et l'apparition de dizaines de chanteuses plus ou moins douées, Porter convainc que les hommes savent également tenir leur rang sur une scène à la fois dynamique et consciente de l'héritage des aînés.

• Be Good , Motema/Harmonia Mundi.
Par Olivier Nuc Le Figaro



Gregory Porter, sans surenchère, 

l’enchantement par la voix


Du festival jazz de la Défense à Marciac, en passant par Marseille, le baryton Gregory Porter, révélation du jazz vocal de ces dernières années, se bat avec les armes de la musique et de la poésie.
Sa voix cajole, console, fustige, prie, supplie, exhorte. Elle nous emplit de sa puissance tranquille, à condition qu’on lui prête véritablement oreille. Si c’est pour la siroter en même temps qu’une bière en causant avec un pote, on ne se plaindra pas d’en avoir manqué la magie discrète.
Révélation du jazz vocal des deux dernières années, Gregory Porter a enchanté plusieurs festivals d’été, avec l’étonnante aptitude à vite s’adapter à des contextes différents : à la tête de son quartet à la Défense Jazz Festival, Jazz in Marciac et Jazz à  Vienne, avec le trompettiste Stéphane Belmondo lors de Jazz à Porquerolles, ou comme invité de Robin McKelle au Festival des 5 continents à Marseille.
Le baryton tourne le dos à la surenchère. Dans les replis de sa sensibilité, les mélomanes découvriront l’or de son art. Pudique, l’artiste reste silencieux sur les épreuves que le destin lui impose et sur le passe-montagne qu’il est obligé de porter. Lui qui écrit textes et partitions de ses chansons se bat avec l’arme pacifique de la musique et de la poésie.

« Je suis intimement convaincu que l’art peut être plus puissant que l’artillerie d’une armée, nous confie-t-il. J’évoque des problèmes sociaux dans certaines de mes chansons, sans oublier, en d’autres, de parler d’amour et de fraternité. Dans Lonely One, j’évoque ma mère et ma soeur. Chacune à son tour est tombée dans le piège d’un compagnon violent, qui l’a d’abord isolée pour mieux exercer son contrôle. À travers cette chanson, j’envoie un message aux femmes.»

Dans Be Good, son deuxième album, il célèbre par exemple Harlem, Langston Hughes, Marvin Gaye. Le premier, Water, a remporté le prix du jazz vocal de l’Académie du jazz 2011. Il recèle la petite bombe qui a explosé sur Internet, 1960 What ?, protest song de douze minutes en écho aux luttes pour les droits civiques des années soixante. Malgré une ascension fulgurante, Gregory Porter, encore inconnu il y a peu, garde la tête froide. Et la voix tendrement brûlante. Son chant de vie rend espoir en un monde un peu moins immonde.

CD, chez Motéma/Intégral, Be Good (2012), Water (2011).
Fara C.

l'Humanité .fr 23/08/12
Humanité Quotidien  17 Août, 2012