Elégance des instruments à vent, textes simples et émouvants : l'album généreux d'un homme qui se révèle tel qu'en lui-même. Lumineux.

On aime passionnément Les hommes changent-ils ? Ils évoluent. Avec le temps, ils se parent d'épaisses carapaces ou osent tomber les masques. Dominique A est de ceux-là. Vers les lueurs, neuvième album studio, est l'un de ses meilleurs : on pourrait le trouver long et répétitif, il est surtout l'un de ses plus généreux et de ses plus accessibles. Traversé de lumières. Comme si le chanteur, qui n'a plus grand-chose à prouver, osait ouvrir les bras. Musicalement, l'apparat rock est battu en brèche par un ensemble de vents (flûtes, clarinette, basson, hautbois, cor anglais, saxophone). Avant lui, d'autres chanteurs pop avaient déjà c­édé aux charmes des instrumentations classiques — Biolay, Camille... Mais rarement l'expérience avait été si radicale, conférant à l'ensemble une élégance arrachée aux modes.
Rendez-nous la lumière, premier single et plus belle réussite du disque, est emblématique : par son aspiration, ses injonctions à quitter l'ombre, son alliage parfait entre la légèreté aérienne des flûtes et le roulement d'une batterie au galop. Même les textes semblent plus clairs, plus narratifs.
Et le vocabulaire — quasi végétal —, plus simple ; parfois même naïf. Dominique A nous parle-t-il de lui quand il évoque les dérives d'un frère (Vers le bleu) ?
Ou les tremblements de la dépression, calmés par la grâce d'une rencontre amoureuse (Parce que tu étais là) ? Quoi qu'il en soit, il accroche l'attention et parvient à nous émouvoir. On pourra se demander si ses collaborations inattendues des trois dernières années — avec Calogero, Elsa ou Delpech — l'ont aidé à s'ouvrir. On pourra tout autant penser qu'elles furent surtout les signes d'un épanouissement personnel et artistique, qui le protège désormais des classements réducteurs. D'ailleurs, il serait faux de croire que le chanteur s'est transformé. Pas besoin de beaucoup tendre l'oreille pour repérer des enchaînements d'accords déjà entendus, qui ont désormais valeur de signature. Depuis le choc initial de La Fossette, en 1992, le substrat est bien resté le même. Ce n'est pas la structure qui varie, c'est l'enrobage (plus ou moins rock, minimaliste, électro...). Et bien sûr l'interprétation, de plus en plus éclatante.

Valérie Lehoux

1 CD Cinq 7. Le 31/03/2012 -
Mise à jour le 29/03/2012
Valérie Lehoux - Telerama n° 3246