Un opéra pour les enfants de mémoire

Brundibar

les enfants du camp de Terezin créent Brundibar
les enfants du camp de Terezin
L’histoire dramatique du camp de concentration nazi de Theresienstadt (en allemand) ou Terezin (en tchèque) cache son lot d’horreur, comme tous ces lieux de souffrance que savent construire les régimes inhumains et sanglants.
Mais cette histoire est encore plus tragique à trois titres au moins : en premier, celui d’avoir été un lieu de propagande du régime hitlérien qui s’en est servi auprès de la Croix-Rouge ; en second, par l’inconcevable réunion du monde artistique de toute l’Europe centrale ; enfin par la conjugaison des deux premiers, à savoir un film de propagande où l’on voit plusieurs scènes de spectacle, concerts et autres opéras, dont Brundibár.
Brundibár est ce que l’on appelle maintenant un opéra pour des enfants, interprété par des enfants – formule très en vogue depuis deux ou trois décennies, mais qui,  à l’époque de sa composition, était chose encore rare...
De ce film, nul ne peut oublier la scène finale qui réunit ces petits chanteurs qui seront quasiment tous gazés quelques semaines après le tournage !

Et l’œuvre proprement dite, me direz-vous ? C’est un conte moral, à mi-chemin entre deux œuvres des frères Grimm : Les Musiciens de Brême et Hänsel & Gretel.
Au premier, il emprunte le bestiaire ; du second, il retient la paire de personnages principaux du frère et de la sœur. Une histoire cruelle de deux enfants miséreux partis chercher du lait pour sauver leur mère malade. Sans moyen d‘acheter le précieux liquide, ils se résoudront à chanter pour gagner quelques sous.
Mais ils seront en proie au monde impitoyable des adultes, de la foule des anonymes, du pouvoir de l’argent et d’un sinistre personnage imposant sa loi, le joueur d’orgue de Barbarie (ça ne s’invente pas...), Brundibár, qui tient le pavé et n’entend pas que d’autres viennent mendier sur son territoire. Heureusement, à force de courage, de persévérance et l’aide de trois animaux (un moineau, un chat et un chien), nos deux héros parviendront à se faire entendre et récolter suffisamment pour guérir leur maman. L’œuvre est donc sensée finir bien, mais à quel prix ?

La composition du musicien tchèque à succès à l’époque, Hans Krasa, est une espèce d’opérette ou de comédie musicale au ton malgré tout léger, avec des numéros franchement drôles, pour ne pas dire comiques. D’autres passages sont plus tendres, voire tristes et mélancoliques. Mais le sentiment général est celui d’une gaité retenue, d’un formidable espoir (oui, oui !) dans l’avenir, la société, la justice.
Écrit pour une dizaine de chanteurs solistes, des chœurs et, à l’origine, un ensemble instrumental d’une quinzaine de membre, le style est parfois proche de Kurt Weill dans certaines pièces de Brecht, avec en plus une couleur slave pleine de charme et d’exotisme.
Les deux tableaux, séparés d’un intermède orchestral, reprennent des motifs musicaux récurrents.