revue de presse

III

un article de  ... 491 écrit par Etienne Faye
... 491 mars 2012

Richard III et les dérives du pouvoir

Le Grand Angle accueillait mardi soir la première de la création “III”, une pièce de Philippe Malone interprétée par le théâtre Narration. Un petit cheval et une petite chaise rouge près d'un miroir également encadré de rouge sont posés sur le plateau dont ils constituent tout le décor. Lepublic est installé sur la scène, à proximité immédiate des comédiens.

Rapidement, le texte et les personnages prennent vie.
Au XVe siècle à la cour d'Angleterre, Richard III a la réputation d'un homme cruel, à l'ambition démesurée, n'hésitant pas à éliminer tousceux qui se dressent entre lui et le trône d'Angleterre. Si la pièce de Philippe Malone lui emprunte ses personnages et son propos, la tragédie de Shakespeare s'efface bien vite sous des situations résolument plus modernes.Car Richard III est ici l'héritier d'un grand empire industriel où il est sans cesse question d'argent, de banques, d'actionnaires et, par dessus-tout, de licenciements arbitraires. Construite sur une succession de séquences, la pièce évoque les excès d'un certain capitalisme et dénonce surtout les souffrances du monde du travail actuel.
L'esthétique très dépouillée du plateau souligne encore la brutalité et la violence des situations évoquées. Gislaine Drahy signe une mise enscène à la fois astucieuse et originale, construite notamment autour de la présence permanente de l'ensemble des comédiens sur le plateau,quand bien même ils n'interviennent pas dans la séquence en question.  

Le jeu sincère et éloquent des comédiens, dont le spectateur peut saisir toutes les nuances du fait de sa proximité, surprend agréablement.


Le Dauphiné Voiron, Isère-Sud, 1 mars 2012


III de Philippe Malone 
Les déliés de l’âme vus à travers la partition du pouvoir

Richard, troisième du nom, hérite d’un empire industriel. Comme dans le drame de Shakespeare à qui l’auteur emprunte ses personnages se nouent violemment les forces brutales du pouvoir et de la folie, sur fond économique et social actuel. Un Caligula ubuesque chapeauté par une mère intraitable et pitoyable,  deux collaborateurs, Buckingam et Norfolk à la botte du maître, une salariée devenue sa maîtresse à la fois cupide et caustique évoluent sur un plateau dépouillé, selon les règles d’une mécanique géométrique.

Richard, interprété magistralement par Christian Scelles, exerce un pouvoir absolu sur ses proches comme sur le monde du travail qui dépend de lui. On repère les actions violentes et sans états d’âme d’un patronat qui n’est plus anonyme et distancié et qui s’incarne ici dans le comportement et le discours d’un homme habité par la cruauté, le caprice et…la souffrance. Richard a perdu, ou n’a pas connu le désir, y compris le désir de licencier ses ouvriers. Il terrorise et humilie son entourage par de longues diatribes qu’il relativise par un « je plaisante » qui en dit long sur son délabrement moral.

Philippe Malone aurait pu définir un tout autre univers pour jouer la partition du pouvoir, des rapports de soumission qui en résultent, et de la quête du bonheur. De son théâtre jaillit une langue encore plus poétique et littéraire que théâtrale, une langue qui décrit les pleins et les déliés de l’âme, dense, une langue qui traduit admirablement l’épaisseur de l’histoire et que les comédiens servent de manière serrée.
La mise en scène de Gislaine Drahy, par ses pauses hiératiques et ses bascules mécaniques, attise le jeu des acteurs. Elle laisse en suspens le spectateur et lui permet ainsi de se délecter d’un texte magnifique.


René Palanque
Le Dauphine Libéré Albertville 24 mars 2012