La première partie de la pièce donne à entendre les 6 1ers chapitres de la Genèse. Cette mythique représentation d’un abyme bientôt organisé et habité, assignant généalogie et dénominations au vivant, retentit sur le plateau et dans la salle, comme dans une nef lancée à la traversée des temps.
Dans le dédale des origines, apparaît l’homme, bien vite déchu par un Père-Créateur repenti envisageant son anéantissement. La lecture s’achève ici, mais on y danse de plus belle...

Le danseur est un homme-image, voire personnage d’affiche, archétype d’un héros de BD ou de cinéma-fiction de temps modernes passés, icône d’un homme-sans-dieu. Au début planté là, droit, net et lisse comme une lettre de l’alphabet ou un idéogramme, il déroule une seule et même phrase chorégraphique déclinant et ponctuant le Poème de la Création, pas à pas,  reprenant, réécrivant inlassablement la mesure d’un sol qu’ils foulent toujours pour la 1ère fois.

Mais la phrase finit par s’enrouler, de multiples boucles s’en suivent, et se redéploient. L’homme amorce alors une danse grave et enjouée faite d’élans et de replis, frôlant l’entraînement ou le combat avec une adversité invisible. D’une mécanique parfaite et animale, ce tango solitaire, à la démarche élégante et aux révulsions convulsives, allie panache et hurlements muets, figures impeccablement exécutées, tâtonnements  et attentes vaines. L’errance emplie de virtuosités, immobile, lente ou accélérée, devient marathon de danse au long d’un gouffre quotidien et originel.