Dmitry Baevsky
Dmitry Baevsky

On dirait un mot de code. Prononcer le nom de Dmitry Baevsky éveille la complicité immédiate de ceux qui connaissent le prodige du saxophone alto. On découvre avec un bonheur halluciné ce Russe de Saint-Pétersbourg qui vit depuis une quinzaine d'années aux USA. Quelques calibres ont déjà mesuré l'envergure de ce Monsieur de 33 ans à la frimousse de gamin evanescent (Jimmy Cobb, le batteur du Miles Davis des grandes années, lui a déjà mis le grappin dessus).

Pour évaluer le phénomène, imaginez un Charlie Parker transposé dans notre siècle, qui aurait intégré les apports de ses propres disciples: Sonny Stitt, Jackie Mc Lean, Phil Woods, le Japonais Sadao Watanabe et Sonny Rollins. S'ajoute à la volubilité des Messieurs sus-dits, le feeling des ténors de granit (Ben Webster, Lester Young, Coleman Hawkins, plus Johnny Hodges pour le blues). Si le génie immense de Parker vous remue, annulez tout et foncez écouter Baevsky, vous allez tomber trois fois: il donne quelques concerts en France avant l'été (voir ci-dessous). Deux semaines après avoir reçu le CD sorti en 2005 (Introducing, avec Cedar Walton au piano et Jimmy Cobb, chez Lineage Records), la rondelle ne décolle toujours pas de mon lecteur. Ceux qui découvrent la révélation s'arrêtent net. «Quand je suis allé avec la démo le proposer à Jean-Michel Proust, au Duc des Lombards, lui aussi saxophoniste, le programmateur a tendu l'oreille, raconte Marina, son agent. Verdict à peine deux minutes après le début du morceau: je le prends!».

De surcroît, pas vraiment écrasé par cet héritage colossal, Dmitry présente un style très personnel. Le prodige attaque les phrases des solos avec une invention déconcertante, développe des chorus cohérents, assène des tournures impressionnantes de classe: la méga-baffe! «Mon style ne date pourtant pas d'hier», s'étonne le soliste qui entame la tournée en France. Qu'on en juge: il a écumé tout ce que la Russie compte de clubs, y a gratté tout ce qui existe comme récompenses. Nous bavardons dans le sofa du Novotel des Halles. Il a la tête sur une autre planète, répond dans un anglais parfait, mais lance néanmoins un regard déconfit («Excusez l'accent russe»).

Bruno Pfeiffer
25/05/2009

lire l'interview de Dmitry Baevsky sur liberation.fr

Le site de Dmitry Baevsky

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