Raymond Federman devant la maison de son enfance
Raymond Federman

Jugé trop avant-gardiste ou tumultueux, Raymond Federman a longtemps été boudé en France. Portrait d'un sémillant jeune homme de 80 ans qui, de livre en livre, joue sa vie à quitte ou double.

Né en 1928 à Paris, Raymond Federman est l'unique survivant d'une famille ouvrière décimée dans les camps. En 1947, il débarque aux États-Unis (si vous n'avez pas encore lu Amer Eldorado 2/001 ou La Fourrure de ma tante Rachel qui relatent cet épisode, il faut vous précipiter). Tour à tour ouvrier dans l'industrie automobile, jazzman, champion de natation, joueur professionnel et même parachutiste durant la guerre de Corée (la Green Card, ça se mérite), Raymond Federman a inventé un nouveau genre littéraire : le noodle novel ou roman de nouilles.

Sorte de Tristram Shandy des temps modernes, il n'hésite pas à enfreindre les règles pour composer des livres en "triste fou rire" qui collent véritablement à sa vie. Personnifiant la pensée en mouvement, il n'a que faire des effets de manche et de la perfection. La grammaire le ralentit et on sent que le type n'a guère le temps de se tirer sur la nouille !

Son truc à lui, c'est d'aller vite pour ne pas emmerder le lecteur, de filer des contorsions à la langue et de laisser la vie transpirer. Proche d'un Céline "bien que Céline ait dit des obscénités au sujet de ceux qui ont un nez juif", ou plus près de chez nous d'un Prigent le premier à l'avoir édité en le qualifiant d'écrivain célino-beatnik Raymond Federman évolue en littérature avec une rare liberté.
On devine l'homme pas facile à apprivoiser, peu importe, on ne se lasse pas de l'écouter improviser. Son dernier ouvrage, Mon corpsen neuf parties, lui fournit l'occasion de revenir sur quelques événements marquants de son existence et de s'ausculter sans tomber pour autant dans le nombrilisme...


Emmanuel Favre
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