Intentions

Le roi s'amuse


Je voudrais que chacun puisse se passionner pour cette histoire, s’en émouvoir et, dans le même temps, faire des liens avec sa vie de tous les jours, mettre en question son point de vue sur le monde et la société.
Ici Victor Hugo se pose la question de ce que peut se permettre un représentant du pouvoir et des limites de la tolérance de son entourage, qui, à trop accepter, voire encourager ses frasques, cautionne l’inadmissible.

La télévision et la presse “people” en font – au propre comme au figuré – leurs choux gras quotidiens.

Hugo ne cherchait pas son inspiration dans des manuels d’histoire telle qu’on la connait aujourd’hui avec ses exigences scientifiques…
Il ne s’attache donc pas à démolir une ou des réputations précises. Il ne stigmatise pas d’une façon simpliste des personnages historiques. Il nous propose certes de rire à la barbe d’un roi qui abuse de son état et se conduit comme un écervelé, mais surtout, et c’est le plus intéressant, il traque la perversion du pouvoir et ses mécanismes.
Là, loin de tout manichéisme, la question devient très contemporaine et nous intéresse directement, que l’on pense à son chef de service, au pouvoir de l’argent et des médias ou à la donne politique.

Pour aller dans ce sens, il me semble qu’il faut affirmer très clairement la théâtralité de la mise en scène, avec des propositions très collectives où les changements de décor sont faits à vue.
Sur scène évolue une petite communauté qui peut être celle d’une nation, d’une entreprise d’un syndicat, d’une profession, d’une famille … où règne “le fait du prince”.
Les acteurs jouent, chantent, placent les décors, se passent le relais rapidement, de façon très ludique, donc participent à créer leurs espaces de jeu: la ville, la rue, l’auberge de Saltabadil avec des ambiances qu’ils contribuent à élaborer.

Ainsi peuvent-ils être présents vocalement (chants et choeurs) dans la construction de l’orage ou de la nuit.

La bande son est mixte : enregistrements musicaux et voix traitées en direct. Les changements de lumière se fabriquent aussi sous les yeux des spectateurs.

Dans cette histoire, finalement très peu romantique! La bataille du verbe fait rage.
Il s’agit donc surtout de mettre en évidence la dynamique des échanges entre les individus, de travailler sur leurs manières de dire, de se centrer sur la mécanique des échanges verbaux – sur tous les modes et tous les tons y compris en chantant.

Alors nous pouvons nous amuser des prises de paroles des courtisans, jongler avec leurs voix, rire de la petite musique de leurs interventions et la faire résonner dans la nuit avec de la “musique de cour”, jusqu’à ce que les voix et la musique fabriquent une partition unique.

Le second élément qui ressort du texte est le contraste entre la certitude d’être du bon côté qu’ont le roi et ses courtisans, et les doutes des autres protagonistes.
Blanche et Maguelonne  sont plus proches qu'ont peut l'imaginer.
On est loin des stéréotypes de  la “jeunes fille” de l’époque. L’une découvre l'amour en bravant les interdits et en désobéissant à son père – en cela elle est très moderne – l’autre est peu sûre d’elle, même si on attend toujours d’une fille de mauvaise vie qu’elle ait du “culot”.
Ces deux femmes sont à travailler comme les deux faces d’une féminité pas facile à affirmer dans un monde d’hommes qui font la pluie et le beau temps.

Parmi les manipulateurs de cette histoire figurent deux histrions: Marot et Triboulet. C’est important de s’en amuser sans ambages et de rire aussi du monde du spectacle et de ses accointances avec l’establishment! En cela les costumes aussi se doivent d’être – outre leur contemporanéité – manifestement théâtraux et spectaculaires.

C’est magique mais on voit que c’est du théâtre. Cela vaut pour tout le monde, on est tous acteurs, actifs, actants, y compris en riant des frasques et malentendus…

Cela ne nous passe pas “au dessus”, ou plutôt ne se passe pas “par- devers-nous”, mais devant et avec nous.