Boëglin-Koltès,

Koltès voyage

une image du spectacle. De chaque coté de la table-autel, Ricardo Gaytan et Bruno Boëglin, lisent, disent les lettres de Bernard Marie Koltès, comme un rituel du théâtre retrouvé par la lecture
Ricardo Gaytan et Bruno Boëglin
 

Au Planétarium de Nanterre-Amandiers, Bruno Boëglin présente un spectacle élaboré à partir des lettres envoyées par son ami, l'auteur de Salinger, alors qu'il voyageait en Amérique latine, à la fin des années 70.

Une table, deux chaises se faisant face, les interprètes sont de profil par rapport au public. Un dispositif minimal.Un dispositif de campagne qui a d'ailleurs été mis au point pour une tournée légère conduite quelques mois auparavant en Amérique latine, là-même où en 1978, le jeune Bernard-Marie Koltès voyagea. Trente ans plus tard et vingt ans après la mort de l'écrivain, ce spectacle aux allures de célébration intime, est lourd d'une charge affective autant que littéraire.

Un dispositif simple, on le voit sur cette photo. On y aperçoit les éléments de référence essentiels. Trois images. A gauche, James Dean, à droite Fedor Dostoïevski, au centre la mère de l'auteur. Une photographie de jeunesse. La photo d'une femme particulièrement belle au regard envoûtant et mystérieux, une photographie qui renvoie plutôt aux années trente (ce qui est bien sûr un leurre) qu'à la réelle jeunesse de cette femme essentielle ici puisque la plupart des lettres lues lui sont adressées.

 

Boëglin Koltès2.JPGCette photographie est la seule qui quitte un moment le champ de l'autel, car, bien évidemment, le dispositif ressemble à un autel improvisé. On nous dit que Bernard-Marie Koltès disposait toujours ainsi ces trois images lorsqu'il faisait étape ici ou là, dans ces années là. Années de découverte et de formation. Années qui seront bientôt celles de l'amitié avec Bruno Boëglin. A Lyon, notamment.

Pour ce moment du souvenir et de la célébration, et parce que, répétons-le, ce spectacle aussi a voyagé en Amérique centrale, Bruno Boëglin a choisi de faire entendre ces lettres en espagnol et en français. L'homme qui est en face de lui est un comédien qui a partagé l'aventure de cette tournée, Otto Ricardo Gaytan Silva. La délicatesse de Bruno Boëglin, sa fragilité physique et la sourde souffrance que l'on devine, même s'il est d'une pudeur extrême, ajoute à l'émotion ressentie.

Et c'est d'autant plus déchirant à Nanterre-Amandiers qui fut la grande maison de théâtre de Koltès. On ne peut s'interdire ici, de penser à lui, de le revoir. Comme on pense à Maria Casarès, à Pierre Romans...

On est moins convaincu par le film qui suit. Un documentaire assez amateur d'apparence dont on regrette qu'il ne soit pas plus dense. Il touche qui aime Koltès, Boëglin, mais on aurait aimé une construction plus forte, une vraie réfléxion sur quelques éblouissements du très jeune écrivain, dans les ruines de civilisations éblouissantes qui toujours le hantèrent...