Depuis sa création la Nième Compagnie s’est engagée dans des partenariats avec des auteurs...

Ce fut le cas notamment avec Rémi De Vos dont quatre textes ont été mis en scène et qui a animé plusieurs rencontres à l’occasion de ces créations, Sophie Lannefranque, à laquelle la compagnie a fait une commande d'écriture, Tourisme, qu’elle écrivit au fur et à mesure que l'équipe répétait, Catherine Zambon, à l’occasion d’une résidence commune auteur / metteur en scène à Saint-Antoine-l’Abbaye avec la création Les Z’habitants, et puis Rémi Rauzier, un cas à part dans nos auteurs fétiches...


Comédien et fidèle complice, Rémi Rauzier connait et partage nos préoccupations artistiques.

Comme acteur, il a joué aux côtés de Claire, de Jean-Philippe, et il a été mis en scène par l’une et l’autre à de nombreuses reprises.

Comme auteur, il a écrit trois textes pour la compagnie :
  • La geste des manchots, monologue en forme de conférence,
  • Bord d’heure lune, épopée dramatique à propos d’un Groenland fantasmé,
  • Les vilains petits canards, théâtre en morceaux poétiques inspiré du conte d’Andersen (dans le cadre de la biennale Odyssées en Yvelines 2009).

Nous avons choisi de passer une quatrième commande d’écriture à Rémi Rauzier pour pousser plus loin encore notre collaboration et mettre à profit nos expériences passées. Nous voudrions que texte, mise en scène et jeu soient en dialogue direct, et que l’auteur soit présent lors du processus de création.

Cette fois, nous ne demandons pas à l’auteur de travailler sur un thème, nous lui soumettons simplement une contrainte, un dogme : « Pas un mot ». Pas un mot intelligible.

Dans ce monde qui nous laisse bouche-bée, mais où on ne nous a pas encore cloué le bec, si nous restons sans voix, ce n’est pas que nous n’avons plus rien à dire.

Après de nombreux spectacles sur le langage, le choc des langues, le poids des mots, voilà comme une envie de se taire. Mais qui ne dit mot ne consent pas forcément.

Ce serait le point de départ : des didascalies pour des acteurs, ou comment parler même sans texte. Un texte en forme de disdascalies, c’est presque prendre à rebours le rapport conventionnel du théâtre où l’acteur doit savoir faire oublier l’écriture de l’auteur comme s’il inventait sur l’instant ce qu’il dit. Là, à l’inverse, nous souhaiterions que les corps, les directions, les intentions des personnages puissent rendre lisible ce que l’auteur à écrit, et puis faire croire qu’ils s’en échappent ...  pour mieux y revenir.
Ou comment une écriture peut se lire tout autant qu’un texte se dire, au travers des comédiens.

D’abord il y aura le temps de l’écriture. L’auteur échaffaudera, avec son style particulier, sonunivers étrange et personnel, ces actes sans paroles. Il nous donnera à lire certaines étapes
de son travail. Echanges, réflexions : il en tiendra compte – ou pas.

Lorsque le texte sera achevé, commencera alors pour nous la mise en jeu, la mise en scène. L’auteur sera convié, parfois.On lui donnera à voir certaines étapes de notre travail. Echanges, réflexions. On en tiendra compte – ou pas.

Ceci de façon à conserver la liberté et l’imaginaire de chacun à chaque étapes de la création. L’idée de ce spectacle n’est pas un pari formel. C’est comme un cri muet. C’est l’envie d’une recherche, d’un ailleurs, d’une façon de travailler autrement, de découvrir le théâtre au-delà des mots, sans cette langue que nous affectionnons tant et avec laquelle nous aimons tant jouer.

Sans cesse au cours de notre voyage au Groenland lors du projet « Immaqarsuaq », nous avons été confronté à cette question du comment montrer notre savoir-faire au delà de la compréhension de la langue.

Ainsi s’est renforcé notre désir d’avoir dans notre valise une sorte de spectacle « universel », un objet artistique à partager sans surtitrage.

Claire Truche – Jean-Philippe Salério